Des robots escaladeurs pour rendre les entrepôts plus efficaces

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Ils ont voulu faire mieux qu’Amazon et à la faveur de la pandémie sont devenus la 1ère «licorne» industrielle française, ces jeunes entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars: Exotec construit des robots escaladant les étagères pour rendre les entrepôts plus efficaces. L’entreprise lancée en 2015 emploie désormais 350 personnes, qui ont déployé des flottes de robots dans dix pays. La dégaine carrée de ces «Skypods», et les simples caisses en plastique turquoise qu’ils transportent ne semblent pas révolutionnaires à 1ère vue. Mais en fonctionnement dans l’entrepôt de leur fabricant à Croix, près de Lille, leur ballet est étourdissant: ils s’élancent à l’assaut des racks, jusqu’à plus de 10 m de haut, avant de rapporter leur prise de façon autonome à la station où se trouve l’opérateur. L’idée est venue à deux étudiants en école d’ingénieurs, en voyant Amazon garder discrètement pour lui la technologie d’une société de robots achetée par le géant américain du e-commerce en 2012, signe de l’avantage crucial qui lui apportaient ces engins. Mais Amazon avait «une énorme limitation: ils stockent à 1,80m de haut», car leurs fameux robots orange sont conçus pour porter les rayonnages et non se servir dedans, explique Romain Moulin, l’un des deux co-fondateurs. «Nous, on voulait les faire monter jusqu’au plafond». Les 1ers Skypods sortent des laboratoires en 2017, et le 1er système est installé chez C-Discount en région parisienne, avec pour mission de densifier le stockage et accélérer la préparation de commandes. Ces robots envahissent les entrepôts, avec deux vastes centres logistique d’Uniqlo au Japon, le dépôt de e-commerce Carrefour pour le sud de l’IDF, et un 1er système chez Decathlon. Résultat: Exotec, est désormais valorisée 2 milliards de dollars, entrée en grande pompe dans le club des «licornes» ces startup indépendantes non cotées en Bourse, valant plus d’un milliard de dollars. L’installation de flottes de Skypods, qui coûtent de 1 à 50 millions d’euros, s’est accélérée avec la pandémie, qui a favorisé les achats en ligne. Ainsi le système de Carrefour «s’est mis à produire deux fois plus en alimentaire», explique M. Moulin. «Il y a eu un «changement d’état d’esprit»: «avant, la question était «est-ce que je vais automatiser ou robotiser?», maintenant la question est «quand?»». Les robots sont dopés par l’exigence de vitesse des clients, les critiques sur l’emprise foncière des entrepôts, et la difficulté de recruter de la main d’oeuvre pour des métiers logistiques pénibles. Pour Sébastien Laizet, Directeur Logistique chez Monoprix, cette évolution est nécessaire pour rester «compétitifs». Monoprix a divisé par deux la surface de stockage au sol, gagné «quasiment un jour de délai» dans les livraisons, et peut désormais embaucher plus large, y compris des personnes «pouvant rencontrer des difficultés pour se baisser ou porter des charges lourdes», souligne-t-il. Exotec se targue de pouvoir adapter facilement ses systèmes pour répondre aux montées en charge des entreprises, un atout face à l’automatisation traditionnelle. Les robots étant de plus en plus connectés, voire dotés d’intelligence artificielle, le changement s’annonce radical à moyen terme. Pour Cécile Dolbeau-Bandin, sociologue à l’Institut pour l’Etude des Relations Homme-Robots, s’il n’y a pas de conséquence négative «pour le moment» sur l’emploi, au vu de la croissance du secteur logistique, il faut rester «vigilant» face à cette robotisation industrielle à grande échelle. Dans ses entrepôts robotisés, Uniqlo a réduit de 90% son personnel selon la presse spécialisée. De son côté, Exotec recrute pour la seule année 2022 plus de 300 personnes, principalement des ingénieurs. «Il y a des conséquences sur l’environnement et notre empreinte carbone – et le risque dans certains pays, que des entreprises cherchent à remplacer les humains», souligne la sociologue, appelant à «réfléchir à une éthique des robots».