Le dilemme d’Apple: que faire de tant de dollars de cash ?

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Le succès d’Apple et de l’iPhone ont permis au groupe de Cupertino (Californie) de se retrouver assis sur une montagne de plus de 250 milliards de dollars de cash. Mais tout son problème est maintenant de savoir qu’en faire. Selon ses résultats trimestriels, Apple avait au 31 mars 258,8 milliards de liquidités disponibles dont la vaste majorité stockée à l’étranger. Cela représente l’équivalent du Produit intérieur brut d’un pays comme le Chili. De tels moyens lui permettraient de racheter nombre de ses concurrents, voire de se diversifier dans d’autres secteurs comme la voiture électrique, un produit auquel il accorde un grand intérêt, en rachetant le constructeur Tesla par exemple. Mais pour cela, Apple devrait rapatrier cet argent aux Etats-Unis ce qui lui coûterait très cher compte tenu de la législation fiscale en vigueur qui impose à environ 35% les revenus des multinationales engrangés à l’étranger même si elle leur permet aussi de les défalquer de leurs assiette fiscale aux Etats-Unis. Le président Donald Trump vient de proposer d’abaisser à 15% l’imposition des entreprises aux Etats-Unis et de les autoriser à rapatrier l’argent détenu à l’étranger à un taux favorable mais sa réforme doit encore passer sous les fourches Caudines du Congrès. «Cela a quelque chose de pas très sain», estime Roger Kay, consultant pour Endpoint Technologies Associates en commentant la fortune d’Apple. «En temps normal, ce cash devrait servir à financer des investissements mais de toute évidence Apple n’en a pas l’utilité», souligne-t-il. Un moyen d’utiliser l’argent serait d’en faire profiter les actionnaires. Apple a annoncé mardi qu’il consacrerait plus de 300 milliards de dollars à son programme de rachat d’actions d’ici mars 2019. Cela permet de faire monter le cours en Bourse et aux actionnaires d’engranger de confortables plus-values. Apple verse déjà 12 milliards de dollars par an à ses actionnaires sous forme de dividendes, se plaçant au 1er rang mondial pour ce type de récompense. «La plupart des entreprises seraient ravies d’avoir un tel problème sur les bras mais structurellement cela pose un peu problème car les investisseurs veulent être les 1ers à en profiter», souligne Patrick Moorhead de Moor Insights & Strategy. Or récompenser les actionnaires n’est pas toujours dans l’intérêt stratégique à long-terme des entreprises, en les privant des moyens nécessaires pour innover ou se développer. Une des solutions serait d’acquérir un fabriquant de microprocesseurs afin de «verticaliser» la production des smartphones et autres tablettes, estime-t-il. Le service de vidéos en ligne Netflix pourrait aussi compléter l’offre d’Apple TV. D’autres analystes évoquent le service de musique en ligne Spotify ou Tesla. «Mais le défi est alors d’intégrer une acquisition aussi grosse», souligne Bob O’Donnell de Technalysis Research, en soulignant que cela n’est pas dans la culture de l’entreprise développée par Steve Jobs, décédé en 2011. Apple n’est pas la seule entreprise américaine confrontée à ce problème. Le montant des liquidités détenues par des entreprises américaines à l’étranger est estimé entre 2.500 et 3.000 milliards de dollars. Selon Lisa De Simone, professeure à l’université de Stanford spécialisée dans la fiscalité internationale, le code des impôts américain «encourage les entreprises à accumuler autant qu’elles le peuvent leurs bénéfices à l’étranger». En 2004, une «fenêtre temporaire» leur avait permis d’en rapatrier une partie à un taux favorable mais cela ne s’est pas traduit par une forte progression des investissements, l’argent allant plutôt aux actionnaires. Dans le cas d’Apple, l’essentiel de l’argent se trouve en Irlande mais la marque à la pomme «détient presque 50 milliards de dollars en bons et titres du Trésor américain donc techniquement cet argent est déjà ici, c’est simplement qu’il n’est pas imposé», indique-t-il.