Henri ISAAC, Président élu de Renaissance Numérique

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Renaissance Numérique est le think-tank de la société numérique qui réunit les grandes entreprises de l’Internet, françaises et multinationales, entrepreneurs, etc. qui participent à la définition d’un nouveau modèle économique, social et politique issu de la révolution numérique. Entretien avec Henri ISAAC, Président élu de Renaissance Numérique.

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Les grands groupes audiovisuels français sont-ils avancés en matière de digital ? 

Henri ISAAC

D’intéressantes initiatives ont été mises en place par les groupes audiovisuels. En revanche, ces services numériques ne répondent pas entièrement à la mutation des consommations, y compris d’un point de vue financier. Le modèle économique des chaînes de télévision – assuré par la publicité ou le «pay per view» – a été sérieusement remis en cause avec l’arrivée des télévisions connectées et des boxs. Si les modèles publicitaires et les ciblages individuels ou comportementaux de Google débarquaient en télévision, je ne suis pas sûr que le partage de valeur s’effectuerait de manière favorable pour les chaînes. Ces dernières conservent des avantages indéniables tels que l’éditorialisation et la production de contenus. Mais le véritable sujet pour les acteurs de l’audiovisuel est d’être «user centric». Autrement dit, il faut travailler sur l’expérience utilisateur avec le même niveau de fluidité que peuvent proposer des services développés par les géants de l’internet américain. De ce point de vue, on ne peut pas dire que les offres françaises de VOD ou de télévision de rattrapage soient pleinement satisfaisantes et centrées sur le client.

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La monétisation par le numérique semble être le point faible du modèle ? 

Henri ISAAC

Les industries de la culture se posent en effet la question du numérique et de sa monétisation. On ne peut pas dire que le modèle de YouTube soit une grande réussite d’un point de vue économique. En France, nous sommes dans des mécanismes de financement qui reposent essentiellement sur des subventions publiques avec des systèmes de reversements de droits assez compliqués. Tous ces modèles devraient être revisités d’autant que la question de la chronologie des médias nous semble assez peu adaptée à l’époque. Nous sommes entrés dans l’ère où l’information circule à la vitesse de la lumière. Producteurs et ayants droit doivent prendre conscience du paradoxe qu’il peut exister dans l’action de retenir la diffusion d’un film plus longtemps alors que la demande de consommation en produits culturels est bien présente. D’une certaine manière, ils détournent leur public vers des œuvres illégales. Et si les acteurs du marché sont capables de répondre aux opportunités de façon satisfaisante, les gens seront prêts à payer. Netflix le démontre tout comme Amazon Premium aux Etats-Unis.

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Et à long terme ? Va-t-on vers une extinction des chaînes de télévision ?

Henri ISAAC

Je ne crois pas à la disparition des chaînes de télévision. Il existe un vrai savoir-faire des diffuseurs en matière d’éditorialisation de contenus. Canal+ a réussi à faire du football un produit Premium par exemple. A contrario, YouTube a tenté de lancer des chaînes avec la Ligue de Football Professionnel sur la Ligue 1 mais ça a été un bide total. Ils ont tenté de faire la même chose avec Marmiton sur la cuisine, et ça n’a pas fonctionné non plus. La télévision réussit encore à monétiser plusieurs milliers d’euros un spot de 30’’ avant 20 heures, alors que YouTube doit attendre plusieurs milliards d’utilisateurs pour dégager 100.000 €.