La réforme européenne du droit d’auteur devrait être votée mardi

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Les eurodéputés s’apprêtent à voter
mardi sur la réforme européenne du
droit d’auteur, l’heure de vérité pour
ce texte très attendu par la presse et les
artistes mais honni par les Gafa et les
défenseurs de la liberté sur internet.
C’est la dernière chance pour cette
directive controversée d’être adoptée
en plénière à Strasbourg avant les
élections européennes qui se tiennent
du 23 au 26 mai prochain. Partisans
et opposants de la réforme, objet d’un
lobbying intense depuis des mois, se
sont fortement mobilisés ces derniers
jours. Le nouveau texte entend adapter
à l’ère du numérique la législation
européenne du droit d’auteur, datant de
2001 –une époque où YouTube, détenu
par Google, n’existait pas–. La réforme
est soutenue par les médias et les artistes,
qui veulent obtenir une rémunération
plus juste des plateformes utilisatrices
de leurs contenus. «Jusqu’à présent, ce
sont les géants américains du Web qui
captent l’essentiel des profits. L’enjeu
est majeur pour la presse, les artistes,
la démocratie et la culture», écrivaient
vendredi dans une tribune, 267 directeurs
de médias européens, le directeur de la
rédaction du quotidien Les Echos, ou
encore des journalistes comme Florence
Aubenas, grand reporter au Monde. Mais
elle est aussi combattue avec force par
Google ou Facebook, qui profitent des
retombées publicitaires générées par
les oeuvres qu’ils hébergent, ainsi que
par les partisans d’un internet libre, qui
craignent de voir restreint ce canal de
diffusion.
Manifestations et rebondissements :
Samedi, des manifestations ont eu lieu
un peu partout dans l’UE, à l’appel de
«Save the internet», un collectif que
Google affirme «ne pas financer»
et qui est mobilisé depuis des mois
pour la défense de «l’échange
libre d’opinions sur internet». En
Allemagne, coeur du mouvement de
contestation, dont l’égérie est une
eurodéputée allemande de 32 ans,
Julia Reda, seule représentante du
parti pirate au parlement européen,
des dizaines de milliers de personnes
ont défilé dans toutes les villes
du pays. Jeudi, les versions de
l’encyclopédie coopérative en ligne
Wikipédia, en allemand, en tchèque,
en slovaque et en danois n’étaient
pas disponibles pour 24 heures,
également en signe de protestation.
Dans le collimateur des opposants à la
réforme, deux articles. Le «13», qui a
pour objectif de renforcer la position
de négociation des créateurs et ayants
droit (compositeurs, artistes…) face
aux plateformes comme YouTube ou
Tumblr, qui utilisent leurs contenus.
Il tient désormais les plateformes
juridiquement responsables des
contenus, qui peuvent être montrés
en respectant le droit d’auteur. Pour
trier les contenus, le plus simple est
d’utiliser des filtres de téléchargement
automatiques, des algorithmes mais
ceux-ci sont accusés par les partisans
de la liberté sur internet d’ouvrir
la porte à une forme de censure.
Ils affirment notamment que ces
«robots» ne seraient pas capables de
reconnaître par exemple la parodie
et la caricature et bloqueraient sans
raisons toute une série de contenus
tels que les mèmes (élément culturel
reconnaissable répliqué dans un
but humoristique). Autre article,
particulièrement contesté, le 11 qui
préconise la création d’un «droit
voisin» du droit d’auteur pour les
éditeurs de presse. Il doit permettre
aux médias, de se faire mieux
rémunérer lors de la réutilisation
en ligne de leur production par des
agrégateurs d’informations, comme
Google News, ou des réseaux
sociaux, comme Facebook. Présentée
par la Commission européenne en
septembre 2016, cette réforme a
connu d’intenses rebondissements.
Le Parlement européen l’a rejetée une
première fois en juillet 2018, puis l’a
acceptée, avec des amendements, en
septembre 2018.