Le Gouvernement lance un site web pour lutter contre l’exposition des enfants au porno

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Mieux utiliser les applis de contrôle parental, mais aussi savoir «déconstruire les clichés» véhiculés par les films X: le gouvernement lance mardi un portail web pour aider les adultes à mieux protéger leurs enfants contre la pornographie en ligne, un phénomène qui concerne une part alarmante des mineurs. Dévoilé à l’occasion de la «Journée internationale pour un internet plus sûr», le site jeprotegemonenfant.gouv.fr s’adresse aux parents d’enfants à partir de 6 ans susceptibles d’être exposés au porno «volontairement ou involontairement». On y trouvera notamment des «contenus d’éducation à la sexualité pour libérer la parole entre parents et enfants», ont expliqué les cabinets d’Adrien Taquet et Cédric O, secrétaires d’État respectivement chargés de l’Enfance et des Familles et du Numérique. La campagne de communication déployée sur internet repose sur un spot vidéo mettant en scène une petite fille qui demande à ses parents «comment on fait les bébés?». Au grand désarroi des parents, c’est son grand frère, âgé de 10 ou 11 ans, qui lui répond: «Bah c’est simple! La femme, elle est à 4 pattes. L’homme lui tire les cheveux, et elle crie très fort». Selon un sondage de 2018, près d’un tiers des jeunes ont déjà vu du porno avant 12 ans, plus de 60% avant 15 ans et 82% avant 18 ans. Et une telle exposition précoce a des conséquences: plus de la moitié des mineurs avouent avoir été «choqués» la 1ère fois qu’ils ont été confrontés à des contenus pornographiques. En outre, 44% des adolescents ayant déjà eu des rapports sexuels déclarent avoir essayé de reproduire des pratiques vues dans des films X, et près d’un quart disent être complexés à cause du porno. «Certains ados pensent que pour donner du plaisir à leur petite copine, il faut lui taper sur les fesses et la prendre par les cheveux», déplore Thomas Rohmer, président de l’association OPEN (Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique). Pour le secrétaire d’État Adrien Taquet, la plupart des parents n’ont «pas conscience» de l’ampleur du phénomène. «Ils ont besoin d’aide sur ces questions, car certains se sentent démunis» et il faut donc leur «proposer des solutions, mais sans les culpabiliser», a-t-il dit. La mise en place de cette plateforme d’information est l’un des engagements pris dans le cadre d’un protocole adopté il y a un an par le gouvernement, le CSA, les principaux acteurs des télécoms et de l’internet, ainsi que des associations de protection de l’enfance. Le site comprend des informations détaillées sur les solutions techniques de contrôle parental – proposées gratuitement depuis 15 ans, souligne la Fédération française des Télécoms. Toutefois, c’est aux acteurs de l’industrie du X de faire en sorte que leurs contenus restent inaccessibles aux mineurs, insistent les associations. Officiellement, ceux qui ne le font pas sont passibles de poursuites pénales, et une récente loi a doté le CSA du pouvoir d’intervenir en la matière, en bloquant des sites. Saisi en novembre par 3 associations, le gendarme de l’audiovisuel pourrait prendre «des décisions dans le mois qui vient» sur ce dossier, a précisé une porte-parole. Pour l’heure cependant, accéder aux contenus des plateformes comme YouPorn et PornHub reste un jeu d’enfant: il suffit d’un clic pour certifier être majeur, un dispositif insuffisant aux yeux de la loi. Il existe pourtant des solutions techniques pour vérifier l’âge de l’internaute, même lorsque l’accès aux vidéos est gratuit, souligne Grégory Dorcel, patron du géant du porno français «Marc Dorcel», qui s’affirme irréprochable en la matière. «Protéger nos contenus ne nous fait pas perdre de chiffre d’affaires», insiste M. Dorcel, dont l’entreprise est partie prenante du protocole signé avec le gouvernement, et affirme «se battre pour la protection des mineurs», qu’elle considère comme le «pendant» du «libre accès des adultes à la pornographie».