«Le Monde» : les salariés votent mercredi sur fond de léger mécontentement

334

Les salariés du «Monde» votent mercredi pour approuver ou non la candidature au poste de directeur de Jérôme Fenoglio, actuel n°2 de la rédaction et «pur produit» du journal, sur fond de léger mécontentement après à un processus de sélection que certains jugent «tronqué». «Approuvez-vous la nomination de Jérôme Fenoglio au poste de directeur du «Monde» ?»: les journalistes, cadres et employés du «Monde», soit quelque 400 personnes, devront répondre à cette question en entourant la mention «oui» ou «non». 

Le vote à bulletin secret est prévu mercredi en fin de journée pour un résultat annoncé dans la foulée. Sauf surprise, Jérôme Fenoglio, le candidat choisi par les actionnaires (Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse) devrait recueillir les 60% de suffrages nécessaires pour être désigné pour un mandat de six ans. Auparavant, une motion sera discutée et mise au vote afin de «marquer notre désapprobation sur la manière dont les actionnaires se sont comportés», explique-t-on en interne, en référence à ce qu’un journaliste qualifie de «processus de sélection tronqué». Mi-avril, le trio «BNP», pour Bergé-Niel-Pigasse, avait créé la surprise en proposant aux salariés de confier la direction du quotidien à Jérôme Fenoglio, qui n’était pas candidat. De cette façon, ils écartaient les 3 candidatures déclarées, dont celle du directeur du journal par intérim, Gilles van Kote, modifiant ainsi le processus de nomination. Jérôme Fenoglio «se met dans la main des actionnaires. C’est de mauvais augure pour la suite. En avalisant le fait que les actionnaires s’assoient sur nos procédures, il s’affaiblit lui-même et nous affaiblit collectivement», a déclaré Sylvia Zappi, déléguée CFDT du «Monde». L’intéressé, dans son «projet pour «Le Monde»» envoyé lundi par courriel à tous les salariés, défend son intégrité. «Jamais, avant ou après 2010 (date d’arrivée du trio d’actionnaires, NDLR), je n’ai assisté à une violation ou à une remise en cause de notre indépendance éditoriale», écrit-t-il, ajoutant n’avoir jamais eu à «modifier ou à faire modifier un article pour un autre motif que le souci de sa bonne compréhension par nos lecteurs». «Cette indépendance constitue notre trésor», assure-t-il. 

Côté projet et stratégie, l’actuel directeur des rédactions propose «d’amplifier le succès» du choix du freemium, soit le mélange de services gratuits et payants. Si le quotidien «restera encore longtemps la colonne vertébrale de nos offres payantes», le futur directeur entend développer les nouveaux supports. «Il va falloir redoubler d’efforts, dans les mois qui viennent, pour basculer dans l’univers du «mobile first»», explique-t-il au moment du lancement d’une édition numérique matinale du «Monde» pour mobile. «Le Monde» «devra aussi prendre en compte la montée en puissance de la vidéo, l’autre effort majeur de développement» à venir, poursuit Jérôme Fenoglio, qui entend désigner Luc Bronner directeur des rédactions. Le prochain patron du quotidien, actuel adjoint du directeur par intérim Gilles van Kote, mise aussi sur «la stabilité» et «la continuité». «Au-delà de ma personne, je souhaite que le vote de mercredi puisse marquer la fin de cette période troublée», écrit-il à propos du long conflit qui avait secoué le journal avant de se solder par la démission de la directrice, Natalie Nougayrède, en mai 2014. «Le Monde», qui a vendu en mars 280.556 exemplaires (papier ou internet) par jour en moyenne, voit ses chiffres de diffusion globaux baisser (-6.000 sur un an), la hausse des exemplaires numériques (+30% entre mars 2014 et mars 2015) ne compensant pas la chute des ventes papier.