Le tennis, cible de la haine en ligne

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Depuis plusieurs années, joueuses et joueurs de  tennis sont la cible sur les réseaux sociaux d’insultes et menaces de la part  d’individus parmi lesquels des parieurs haineux, un phénomène que les  instances n’endiguent pas et qui se déporte désormais dans les tribunes.  Ce mal qui gangrène de plus en plus le tennis ne se limite plus à  l’anonymat des écrans. En plein match, l 1er février dernier, lors de l’Open Sud de France à  Montpellier, Benoit Paire a répondu à un spectateur qui l’invectivait. Le  dialogue, capté par les caméras, est éloquent. «Quoi, après le match ? Tu te prends pour qui pour me parler comme ça ?»,  éructe le joueur, connu pour son comportement parfois limite sur les courts,  mais dont l’énervement paraît là justifié.  En conférence de presse après la rencontre, le joueur français a raconté  que l’homme l’aurait menacé : «Il m’a dit : «Je t’attends à la fin». Quand on  me dit ça… Je voyais qu’il était en train de parier et des personnes comme  ça n’ont rien à faire dans un stade». Le spectateur en question a été expulsé  des tribunes.  «C’est une plaie, a poursuivi Benoit Paire. Mais on est des joueurs  professionnels et on sait que des gens parient. Quand on s’en prend à nous sur  les réseaux sociaux, on essaie de faire abstraction. Mais quand c’est dans les  tribunes et qu’une personne nous menace, je ne trouve pas ça terrible». Ce n’est peut-être pas la 1ère fois qu’une menace de cette sorte est  proférée par un spectateur sur un court. Mais la scène a cette fois-ci été  filmée, donnant corps à cette plaie que les instances du tennis se révèlent  incapables de stopper.  Cela fait une petite dizaine d’années que joueuses et joueurs dénoncent  régulièrement ces messages de haine reçus sur leurs réseaux sociaux. Mais la  prise de conscience semble tarder à venir.  Dès 2016, l’Afro-Américaine Madison Keys, à l’époque 9e joueuse mondiale,  avait relayé sur son compte Instagram le flot d’insultes racistes qu’elle  recevait. Une démarche imitée ensuite par beaucoup de joueuses et joueurs. Le  Français Gaël Monfils l’a fait en 2020, partageant sur une story Instagram des  messages d’insultes à son encontre, tout comme Caroline Garcia quelques jours  plus tard. «Sale p***, j’espère que ta mère t’a abandonnée quand t’es née, va mourir»,  pouvait-on ainsi lire sur un message reçu par la meilleure joueuse française,  dévoilé dans un documentaire de la chaîne L’Equipe en juin 2022.  Deux mois plus tôt, Benoit Paire avait publié certains de ces messages  haineux reçus via sur Twitter, devenu X: «S’il te plaît, meurs» («please  die»), «On va te tuer» («te vamos a matar»), «Gros con, arrête le tennis et va  faire de la danse».  Les instances qui régissent le tennis mondial ne sont pas restées  totalement inertes face à l’ampleur du phénomène. L’ATP et la WTA collaborent  avec la société d’évaluation et de gestion des risques Theseus afin de  permettre aux joueuses et aux joueurs de signaler leurs harceleurs,  signalements qui peuvent ensuite être transférés aux autorités policières.  Mais rien n’est parvenu à stopper les torrents d’insultes déversés chaque  semaine. «Peu de joueurs au final font cette démarche, sans doute par lassitude. Et  puis certains sont moins atteints que d’autres», a expliqué une source  proche de la FFT.  En avril 2023, la FFT avait annoncé qu’elle proposerait aux joueurs et  joueuses participant à Roland-Garros d’utiliser l’application «BodyGuard», qui  permet de bloquer les commentaires «désobligeants» sur leurs réseaux sociaux.  «Il n’y a de place pour aucune forme de violence dans notre tournoi», avait  alors expliqué la directrice générale de la FFT, Caroline Flaissier.  La haine en ligne ne touche pas que le tennis. A six mois des JO de Paris, une étude de l’Arcom présentée le 23 janvier a  révélé que la moitié des fans de sport actifs sur les réseaux sociaux a déjà  ciblé un sportif avec des messages négatifs, dont des insultes.  Cette «dérive (…) pourrait anéantir des envies de faire du sport», avait  réagi le président du comité d’organisation des JO de Paris (26 juillet – 11  août), Tony Estanguet.