Les Argentins sont plus de 2 millions à suivre une série TV sur le clientélisme politique

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Les Argentins sont plus de 2 millions à regarder à la veille de l’élection présidentielle une série télévisée sulfureuse, «El Puntero», mettant en scène un «délégué de quartier», personnage controversé à la frontière entre clientélisme et action sociale. «On en parle au gouvernement et dans la rue, tandis que le phénomène explose sur tous les réseaux sociaux», dit le scénariste de la série, Mario Segade, 43 ans. «Je ne m’y attendais pas», reconnaît-il. Pour lui, la série à cassé un tabou dans le pays sur un sujet sensible, alors que la présidente Cristina Kirchner brigue un 2ème mandat le 23 octobre. «On n’avait jamais pu voir dans l’intimité ces délégués de quartier qui prennent la place de l’Etat là où il est absent», explique-t-il. La série passe tard, à 23h30, mais son audimat est celui d’une émission de Prime Time, aux heures de grande écoute. «Beaucoup de personnes qui ne regardent jamais la télé suivent la série», dit le scénariste. Julio Chavez, l’acteur qui incarne «El Puntero» («meneur» ou «fer de lance» en espagnol), alias «le Gitan», rend le personnage populaire. On le voit prendre la défense des habitants d’un bidonville face à des promoteurs immobiliers proches d’élus locaux. Mais c’est aussi quelqu’un de trouble. «Le même personnage reflète toute la complexité d’une double morale», relève Mario Segade. Pour Javier Auyero, un Argentin spécialiste du clientélisme politique à l’Université du Texas, à Austin (Etats-Unis), «grâce à des faveurs personnalisées, ces médiateurs offrent des solutions pour que les choses se fassent». Ils obtiennent des plans sociaux, des médicaments, des décodeurs…   Auyero souligne qu’on voit ce même personnage dans bien des pays d’Amérique latine: au Mexique il s’appelle «cacique», au Brésil «cabo eleitoral».