Marseille: l’explosion des data centers fait l’objet d’âpres débats

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En quelques années, la ville de Marseille est devenue le 7ème «hub» internet mondial, attirant les géants mondiaux des «data centers» (centres de données). Mais le développement futur de cette place-forte numérique est aujourd’hui l’objet d’âpres débats. Tirant profit de sa position géographique en bord de Méditerranée, qui lui a déjà offert un statut de grand port commercial, la 2ème ville de France est au carrefour des flux de données numériques dans un monde toujours plus connecté. Pas moins de 17 câbles sous-marins y atterrissent aujourd’hui, hissant en moins de 10 ans Marseille de la 44e à la 7e place mondiale en capacité de données, selon le cabinet spécialisé Telegeography. Et la cité phocéenne ambitionne d’être bientôt 5ème, se rapprochant du trio de tête Francfort (Allemagne), Londres, Amsterdam (Pays-Bas). Conséquence: les centres de données s’y multiplient. Cinq sont déjà installés, dont 4 du leader mondial Digital Realty (via sa filiale Interxion). Leurs clients, comme les plateformes de vidéos à la demande, sont en effet avides des connexions hyper rapides qu’offrent la proximité des câbles. Mais ces infrastructures sont grosses consommatrices d’énergie et de mètres carrés et la majorité municipale marseillaise (gauche et écologistes) affiche ses préoccupations. «Le marché veut aller extrêmement vite, c’est un secteur avec une croissance et des marges à 2 chiffres», analyse Laurent Lhardit, adjoint socialiste au maire, délégué à l’économie et au numérique. Or, «nous avons un gros déficit de foncier économique, il faut faire des arbitrages», souligne l’élu. Mais les data centers ont des moyens financiers contre lesquels «personne de peut lutter». Résultat, «une cinquantaine d’entreprises du secteur productif» voulant s’implanter ou s’agrandir sur Marseille, avec «environ 3.000 emplois» à la clé, n’auraient pu le faire, affirme l’élu. Autre point d’inquiétude, la gourmandise en énergie pour alimenter et refroidir ces mastodontes: «Ça fait peser l’incertitude sur l’électrification des navires à quai», notamment pour les ferries et les navires en réparation qui pour l’instant font tourner leurs moteurs, causant de la pollution, craint un autre adjoint au maire, l’écologiste Sébastien Barles. «La capacité pour le branchement des navires à quai est aujourd’hui assurée», plaide le patron du port, Hervé Martel, soulignant que les centres de données ont leurs propres fournisseurs d’électricité. M. Barles a toutefois réclamé, avec l’eurodéputé écologiste David Cormand, un moratoire sur l’installation de nouveaux data centers, pour réfléchir à l’échelle communautaire sur des «éco-conditionnalités», voire une taxation. Fabrice Coquio, président de Digital Realty France, réfute les inquiétudes. Le foncier? «Nous n’avons pas consommé un mètre carré, au contraire nous avons réhabilité un endroit inutilisé depuis 75 ans», dit-il, en référence à l’ancienne base allemande de sous-marins, qui accueille un de leurs data centers. Côté énergie, il relève notamment leur refroidissement par récupération de l’eau de ruissellement d’une ex-mine de charbon. Et de vanter la création de «près de 500 emplois», dont 85 directs. Pour M. Coquio, poursuivre le développement du hub marseillais est une évidence: «La croissance de la donnée, c’est +140% par an, il faut quand-même s’organiser un peu. (…) Mais si a un moment donné on se dit que, faute de vision, il vaut mieux investir à Barcelone, on le fera. Ce serait dommage pour la France». Sébastien Barles, lui, regrette cette «extension sans frein du numérique»: «Il n’y a aucune réflexion sur la sobriété. A nous d’y réfléchir», ajoute-t-il. «C’est l’attractivité du territoire qui est en jeu», assure au contraire Martine Vassal, présidente LR de la métropole. Pour elle, en développant le hub «on va pouvoir faire venir des groupes, des sièges» d’entreprises. Les services de l’Etat ont déjà organisé plusieurs réunions avec les différents acteurs. Une nouvelle est attendue dans les prochains mois.