Musiques: le livestream payant en hausse

403

Les concerts sont toujours rares, Covid-19 oblige, et de plus en plus d’artistes monétisent leurs prestations live sur des plateformes numériques, avec cadre et conditions techniques soignés. «Dans le monde entier, la situation reste compliquée. Il y a des endroits où les concerts reviennent un peu, d’autres où ça ne reprend pas du tout», constate Cécile Rap-Veber, directrice des licences, de l’international et des opérations à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). «On voit donc apparaître des productions de spectacles via le livestream sur un modèle plus professionnel». «Il s’agit de gérer cet entre-deux, tant que les concerts physiques ne vont pas reprendre normalement, et pouvoir vivre de sa musique», complète Emily Gonneau, formatrice pour l’Irma (Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles). «Pendant le confinement, il fallait garder le lien avec le public, avec des contenus gratuits. Maintenant la question est: comment retrouver un modèle économique?». Les exemples sont légion. Des projets pharaoniques aux plus modestes. Gorillaz, un des groupes de Damon Albarn (ex-Blur), sort un album le 23 octobre («Song Machine»). Et des concerts sont programmés les 12 et 13 décembre depuis Londres pour diffusion mondiale en digital. Trois fuseaux horaires différents (pour arroser de l’Asie à l’Afrique) sont prévus via la plateforme Livenow. Les tickets virtuels vont de 15 à 40 euros. La catégorie la plus chère – bien en deçà du prix d’un vrai concert – permet à l’acheteur d’en faire profiter trois amis, avec des bonus comme un économiseur d’écran: le visuel du groupe, signé Jamie Hewlett, célèbre dessinateur de «Tank Girl», est primordial chez Gorillaz. Declan McKenna s’est livré à l’opération pour la sortie de son emballant «Zeros», filmé par de multiples caméras depuis Lafayette, salle londonienne, avec ses musiciens. Là encore, rayonnement planétaire proposé et tarifs à partir de 5,5 euros, via l’application Dice. Et comme le jeune homme est du genre engagé, des dons furent reversés à un organisme d’aide aux réfugiés. La session live du groupe Osees, depuis le bourg historique de Pioneertown en Californie, est passée par le site Seated, avec des tarifs de moins de 4 euros à 85 euros. Ce dernier prix englobe du merchandising avec K7 (grand retour de l’objet culte), t-shirt et vinyle dédicacé. Pour s’y retrouver dans la boîte à outils-jungle du livestream, Nüagency, structure de stratégie digitale d’Emily Gonneau, a mis en ligne un guide. Une application comme Veeps est ainsi entièrement gratuite pour les artistes, les fans prenant en charge les 15% de commission, ajoutés automatiquement au prix du billet, avec différents packages englobant le merchandising. Avec cette nouvelle donne, la Sacem veille à ce qu’auteurs et compositeurs (parfois différents de l’interprète) touchent une rémunération. Un accord a ainsi été trouvé avec Twitch. «Peut-on éviter le piratage? Peut-on détecter un lien qui a été partagé? Si un livestream a été regardé trois fois, est-ce que ça a du sens de les comptabiliser? On verra avec l’expérience. On se croirait revenus aux débuts du digital, la période est hybride», commente la responsable de la Sacem à propos des nouveaux vecteurs. «Où est-ce qu’on place la valeur de l’expérience du live? renchérit Emily Gonneau. On peut faire co-exister plusieurs formats. Avoir un public restreint en présentiel, qui paierait plus cher par exemple, et retransmettre en même temps en livestream, avec un prix moindre». «Vous remplacerez toujours difficilement une tournée en France et dans le monde, le livestream reste une économie très fragile», prolonge Cécile Rap-Veber.