Radio France paralysée par la grève : les auditeurs protestent

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«Faites quelque chose!», «Revenez-nous vite!» Alors que Radio France est quasi muette depuis quinze jours, paralysée par une grève dure, les auditeurs orphelins donnent de la voix, partagés entre agacement, incompréhension et soutien au mouvement. «Même si je comprends les motifs de votre mouvement, s’il vous plaît faites quelque chose !», supplie Olivier sur la page internet du médiateur de Radio France, Bertrand Vannier. Sur cet espace d’échanges et de dialogue avec les auditeurs, «plus de 90% des messages» reçus ne parlent plus que du conflit qui perturbe les antennes de Radio France, selon M. Vannier. 

Selon le médiateur, un peu moins de trois auditeurs sur dix soutiennent les grévistes. «Je trouve tout à fait excessive la durée de la grève. S’il s’agissait de fermer la boutique et de licencier plus de 4.000 personnes, je pourrais aisément comprendre un tel mouvement. En l’occurrence, rien de tel, 200 à 300 départs volontaires et la rationalisation de certains secteurs, tels les orchestres !», s’insurge Yves Gillis, un «fidèle auditeur». «Je suis très étonné de l’approche des syndicats: fermer l’antenne, ça tape au portefeuille de la radio, mais c’est contre-productif», renchérit Marc Manus. Avant de s’inquiéter des auditeurs qui «sont partis». Les plus accros à l’info écoutent désormais les stations privées comme Europe 1 et RTL, en dépit de longues plages de publicité auxquelles ils peinent à s’habituer. D’autres ont simplement éteint le poste, en attendant le retour de leurs chroniqueurs préférés. «J’écoutais France Inter le matin : je les ai abandonnés. Maintenant j’écoute Yves Calvi sur RTL, c’est de bonne tenue, même si le côté intello d’Inter me manque. Mais ce qui manque, surtout, c’est une radio sans pub!», témoigne Alice Benoit, septuagénaire parisienne. «Je ne sais plus quoi faire de mes nuits», confie Henriette Morel, 94 ans, qui habite dans un petit village normand. «A mon âge je souffre d’insomnie. Mon bonheur c’était d’écouter la rediffusion de l’émission de Natalie Dessay sur France Inter (ndlr: «Classic avec Dessay»). Je n’écoute aucune autre radio, elles ne m’intéressent pas». 

Les auditeurs ne manifestent pas que du dépit à l’égard du mouvement. Et certains même le soutiennent. «Je sais que vous ne la faites pas de gaieté de coeur ou pour embêter les auditeurs», compatit Maud sur le web. «Je suis prêt à vous aider pour que vous continuiez votre belle route», renchérit Laurent Le Corre. «On reçoit énormément de dons d’auditeurs», qui représentaient jeudi près d’un tiers des 47.000 euros de la caisse de grève, explique Bertrand Durand, élu CGT de Radio France. Sans compter «des petits mots, des cartes». Une vingtaine d’artistes de renommée internationale, dont la pianiste Hélène Grimaud, le ténor Roberto Alagna ou la soprano Natalie Dessay ont quant à eux adressé une lettre ouverte à Fleur Pellerin pour la prier de ne pas «abandonner France Musique». Un combat qui mobilise aussi les auditeurs anonymes de cette station: près de 3.000 d’entre eux avaient signé vendredi une pétition fraîchement lancée sur internet contre sa disparition.Pendant ce temps, sur Twitter, avec le hashtag #MaVieSansMaRadio lancé par le journal «20 minutes», les auditeurs continuaient de témoigner de la manière dont leur quotidien avait changé depuis 15 jours. «Ce qu’il y a de bien avec la grève de @radiofrance c’est que je rattrape mon retard dans les podcasts!», affirme @crisse_marqueur, qui fait contre mauvaise fortune bon coeur. Espiègle, Rock Side écrit: «Frontalier, je suis désormais obligé d’écouter la radio belge. Il y a 14 jours, je n’avais aucun accent…».