Reconnaissance faciale: le Conseil d’Etat rejette un recours contre l’application Alicem

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Le Conseil d’Etat a rejeté le recours déposé par l’association de défense des libertés la Quadrature du Net contre Alicem, une application pour smartphone conçue par l’Etat qui utilise la reconnaissance faciale à l’inscription.

«La requête de la Quadrature du net est rejetée», indique le jugement du Conseil d’Etat daté du 4 novembre. La Quadrature du Net avait déposé ce recours en juillet 2019. Alicem doit permettre aux internautes de s’identifier avec fiabilité dans leurs démarches en ligne. Pour en bénéficier, l’internaute est obligé de passer par une phase de reconnaissance faciale: lors de son inscription, l’application compare son visage avec la photo de son passeport ou de son titre de séjour, pour vérifier qu’il est bien celui qu’il prétend être.

La Quadrature du net s’oppose à cette phase de reconnaissance faciale, estimant que l’Etat doit permettre une façon alternative de s’inscrire sur le service, par exemple via un rendez-vous en face-à-face avec un représentant d’une administration.Dans sa décision, le Conseil d’Etat a estimé que l’internaute n’était pas forcé de s’inscrire sur Alicem et donc de passer par la reconnaissance faciale, puisqu’il peut bénéficier de FranceConnect, un autre service public d’identification en ligne. «Il ressort des pièces du dossier que les téléservices accessibles via l’application Alicem l’étaient également, à la date du décret attaqué, à travers le dispositif FranceConnect, dont l’utilisation ne présuppose pas le consentement à un traitement de reconnaissance faciale», a estimé le Conseil d’Etat. Par ailleurs, la Quadrature du Net n’a pas démontré qu’il existait «d’autres moyens» que la reconnaissance faciale «pour authentifier l’identité de l’usager de manière entièrement dématérialisée» comme le fait Alicem, a estimé la haute juridiction administrative. La reconnaissance faciale inquiète les défenseurs des libertés civiles, à cause des immenses possibilités qu’elle pourrait offrir aux Etats ou aux entreprises en matière de traçage des faits et gestes des individus.Les défenseurs de cette technologie estiment qu’il est possible de mettre en place des garde-fous légaux et organisationnels pour éviter toute dérive vers une société orwellienne.

Alicem n’a pas encore été mise à disposition du public. L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) avait expliqué en février 2020 qu’elle espérait une mise en service avant la fin de l’année, mais qu’il ne s’agissait pas non plus d’une «fin en soi», l’application n’étant qu’un «prototype» appelé à s’inscrire dans un nouveau système plus vaste d’identité numérique. Selon une source proche du dossier interrogée mercredi, l’application est en train d’être «complètement refondue» pour tenir compte notamment de demandes de la Cnil (gardienne de la vie privée des Français) et de l’Anssi (gardien de la sécurité informatique française), ainsi que des retours d’utilisateurs – l’application avait été discrètement testée il y a un peu plus d’un an.