Russie: perquisitions et poursuites contre un journal étudiant

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La police russe a perquisitionné mercredi la rédaction d’un journal étudiant et le domicile de quatre de ses rédacteurs qui avaient réalisé une vidéo sur la répression des soutiens de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny. Dans un communiqué, le média DOXA a annoncé que les fouilles avaient eu lieu à 06h00 dans ses locaux et dans les appartements des quatre prévenus : Natacha Tychkevitch, Vladimir Metelkine, Armen Aramian et Alla Goutnikova. 

Ces derniers sont poursuivis pour «incitation de mineurs à participer à des activités illégales dangereuses», passible de trois ans de prison, a indiqué le tribunal Basmanny de Moscou. Dans la soirée, ce tribunal leur a interdit d’utiliser internet pendant deux mois, dans le cadre de restrictions préventives lors de l’enquête, a indiqué DOXA. Pendant cette période, ils avaient également l’obligation de rester chez eux de minuit à 23h59. «De facto, c’est une assignation à résidence», a affirmé l’avocat de Mme Goutnikova, Dmitri Zakhvatov, dénonçant «une décision politique». 

Près d’une centaine de manifestants, principalement des jeunes, s’étaient rassemblés dans l’après-midi devant le tribunal. Anna Ivleva, une étudiante de 24 ans, a dit être venue pour dénoncer des pressions «illégales». «Je veux tout faire pour résister à ça», a-t-elle dit. 

D’après DOXA, les poursuites sont liées à une vidéo expliquant «pourquoi les expulsions d’étudiants de l’université pour avoir participé à des actions de soutien à Alexeï Navalny sont illégales». Fin janvier et début février, plusieurs manifestations de soutien à l’opposant, emprisonné à son retour d’Allemagne où il se remettait d’une tentative d’empoisonnement, ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes en Russie. Les protestations ont été réprimées avec plus de 11.000 interpellations, des amendes, des peines de prison fermes et l’ouverture d’une centaine d’enquêtes criminelles. 

La rédaction de DOXA a affirmé avoir déjà supprimé la vidéo en question après une demande du gendarme russe des télécoms. «Il n’y a pas d’appels à manifester dans notre vidéo, nous disions juste que les jeunes ne devraient pas avoir peur d’exprimer leur opinion», s’est défendu le journal. 

Fondé en 2016 par des étudiants de l’Ecole des hautes études économiques de Moscou, réputée proche des milieux libéraux, DOXA se présente comme «un journal indépendant» donnant la parole aux élèves et aux professeurs d’université. 

La semaine dernière, Roman Anine, fondateur d’un jeune média d’investigation, «Vajnye Histori», a lui aussi été visé par une perquisition et interrogé dans le cadre d’une enquête pour «violation de la vie privée». Selon ses soutiens, cette affaire est liée à l’une des enquêtes les plus retentissantes du journaliste, datant de 2016, sur la fortune présumée d’un proche de Vladimir Poutine, Igor Setchine, placé à la tête du géant pétrolier russe Rosneft. 

Dans un communiqué, l’ONG Amesty International a affirmé mercredi que les perquisitions visant DOXA montraient que la liberté de la presse était «au plus bas» en Russie.