«The Sisters» : les «Kardashian libanaises» peinent à faire sensation

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On les avait présentées comme la version libanaise des soeurs Kardashian, mais les starlettes de l’émission de téléréalité «The Sisters» peinent à faire sensation et exaspèrent leurs compatriotes qui ne s’y retrouvent pas. Dans leur élégant appartement où est tournée l’émission, Alice, Nadine et Farah Abdel Aziz, âgées de 26, 23 et 22 ans, passent la plupart de leur temps à trébucher sur des talons démesurés, apprêtées du brushing à la manucure en toutes circonstances. Les 3 soeurs affirment que l’émission offre un aperçu réel de leur vie quotidienne et disent vouloir montrer que les femmes de leur pays peuvent être jolies et intelligentes. Mais leur message fait tousser bon nombre de Libanaises, pour qui cette émission écorne leur image et ignore les femmes éduquées qui travaillent dur. 

Dans «The Sisters», on suit les 3 soeurs sveltes et aux longs cheveux bruns dans les restaurants les plus chers de Beyrouth, dans des boutiques de luxe et des salons de beauté. Chaque déplacement est immortalisé par un ou deux selfies. «Suis-je belle? Est-ce que la lumière me met en valeur ?», demande Farah à Nadine lors d’une séance photo – tout en tenant dans ses bras Stella, sa petite chienne blanche. L’émission ne peut certes prétendre au succès planétaire de son pendant américain, «Keeping up with the Kardashians», diffusé depuis 2007. Elle manque du parfum de scandale qui a fait le succès des soeurs américaines à coup de «sex-tape» et de grossesse controversée.Les «Sisters» libanaises disent vouloir respecter les «valeurs conservatrices» du Moyen-Orient, ce qui exclut toute discussion sur le corps, les petits amis et le sexe, qui font le sel et le succès des Kardashian. «Nous voulons que les gens voient comment sont les femmes libanaises», explique Alice, l’aînée et cheffe autoproclamée du trio. «Nous voulons montrer aux gens que nous ne sommes pas parfaites», explique Alice en exagérant un peu l’accent anglais. «Le message, ce n’est pas juste «soyez belles»», assure-t-elle: «Les gens peuvent voir à quel point les Libanaises sont intelligentes et que nous n’avons pas besoin de nos parents». Pourtant, dans le 1er épisode, les soeurs semblent plonger sans remords dans les stéréotypes. Nadine, qui est en retard pour aller chercher à l’aéroport une Alice exaspérée par l’attente, lance à la caméra «Dès qu’on a un problème, papa est là pour nous aider», et demande à son père d’envoyer le chauffeur… Au sein d’une société libanaise très consumériste et adepte du m’as-tu-vu, les 3 soeurs représentent un segment non négligeable de femmes obsédées par leur apparence et leur apparat, des chirurgies esthétiques aux vêtements et accessoires de marques. 

«Nous essayons de combattre ce stéréotype de la femme libanaise, mais il revient à chaque fois, dans les films, dans les émissions…», se désole Rim Kaedbey, militante et chercheuse. «La majorité des Libanaises ne peuvent s’offrir ce mode de vie», ajoute-t-elle. Comparée aux aventures des Kardashian américaines – qu’elle reconnaît suivre, un «plaisir coupable» -, la version libanaise est ennuyeuse et «mal jouée», juge par ailleurs Mme Kaedbey. La chaîne libanaise LBCI refuse de communiquer les chiffres d’audience, mais sur YouTube, le 9e épisode n’a été vu que 81.000 fois, contre 242.000 pour le 1er, diffusé en mars avec moult publicité et couverture médiatique. «Si on a juste les soeurs qui parlent de mode, est-ce vraiment assez pour captiver un public ?», interroge May Farah, professeure et spécialiste des médias à l’Université américaine de Beyrouth. «Etre jolies, cela aide, mais ce n’est pas ce qui maintient les gens à l’antenne».