Données personnelles/ vie privée : le mégafichier controversé devant le Conseil d’Etat

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Deux ans après l’annonce de la création controversée du mégafichier regroupant les données personnelles de tous les Français, le Conseil d’Etat a examiné mercredi plusieurs recours demandant la suppression de ce «monstre», au nom des libertés publiques. La Ligue des droits de l’Homme (LDH), l’association de défense des droits des internautes La Quadrature du Net, et des particuliers – dont l’eurodéputé du Rassemblement national, Gilles Lebreton, le créateur du cercle de réflexion libéral Génération Libre, Gaspard Koenig, ou le président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), Louis-Georges Tin – ont saisi la plus haute juridiction administrative, réclamant l’annulation du décret qui créait cette gigantesque base de données. Le rapporteur public a préconisé le rejet de l’ensemble des requêtes, estimant que le décret attaqué n’était pas entaché d’irrégularité. Paru au Journal officiel le 30 octobre 2016, en plein week-end de la Toussaint, ce décret avait immédiatement suscité une levée de boucliers, «d’un niveau particulièrement élevé sur l’échelle de Richter», a relevé le rapporteur public lors de l’audience. Mais si de nombreuses voix s’étaient fait entendre pour critiquer ce fichier baptisé «Titres électroniques sécurisés» (TES), ses détracteurs ont fait une «interprétation inexacte» de sa finalité, laquelle est de faciliter la délivrance des titres et de prévenir la falsification des passeports et cartes d’identité, a considéré le rapporteur public, dont l’avis est généralement suivi. Pour les requérants, ce mégafichier, regroupant les informations personnelles des titulaires d’un passeport ou d’une carte d’identité, soit d’environ 60 millions de Français, et qui avait été généralisé en mars 2017 à l’ensemble du territoire, est au mieux inutile, au pire dangereux. L’ampleur de ce fichier et la sensibilité des données qu’il contient justifiaient la saisine du Parlement, or sa création n’a fait l’objet d’aucun débat parlementaire, font valoir ses détracteurs. La mise en place de ce dossier aurait dû être décidée par le seul législateur, argumente la LDH. Ce mégafichier ne prévoit pas suffisamment de garanties contre les risques d’abus et de piratage, et notamment contre le risque de détournement du dispositif à des fins d’identification d’une personne sur la base de ses données biométriques, soutiennent encore les requérants. Plusieurs instances spécialisées avaient émis des réserves sur ce fichier.