Patrick Drahi : le magnat des médias se présente comme l’anti-Messier

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©BERTRAND BECHARD / MAXPPP ILLUSTRATION TELEPHONIE MOBILE LES TROIS FOURNISSEURS FRANCAIS (ORANGE, SFR ET BOUYGUES)

Il bâtit un empire mondial des médias et des télécoms à coup d’acquisitions financées par l’emprunt, qui rappelle l’ascension fulgurante de Jean-Marie Messier, l’ex-patron déchu de Vivendi Universal, symbole du capitalisme décomplexé. Mais Patrick Drahi, 52 ans, se présente comme l’anti-Messier. Interrogé sur la comparaison souvent établie par certains observateurs entre ses ambitions et les projets visionnaires de M. Messier qui furent financés de manière hasardeuse, le milliardaire franco-israélien, propriétaire de SFR et des journaux «Libération» et «L’Express», ne mâche pas ses mots. «La différence entre Jean-Marie Messier et moi c’est que moi je n’ai jamais été un grand serviteur de l’Etat. Je n’ai pas été parachuté à la tête d’une grande compagnie publique et je tiens 65% de mon capital là où il détenait 0,0001% de son capital», déclare-t-il. Patrick Drahi veut se démarquer de la surexposition médiatique de celui qui fut surnommé «J6M» (Jean-Marie Messier moi-même maître du monde) et dont la chute brutale fut applaudie par les milieux d’affaires français. «Quand j’arrive à New York (l’important pour moi) ce n’est pas d’avoir un appartement aux frais de la société, c’est de savoir si j’achète un bien pour mes enfants à long terme. On n’a pas la même démarche patrimoniale», développe-t-il. S’il a comme Jean-Marie Messier le même amour de l’Amérique où il a réussi à lever les 1ers fonds – 50 millions de dollars – pour lancer son entreprise, Patrick Drahi affirme que son aîné reconverti depuis banquier d’affaires «n’est pas forcément mon modèle». «Moi quand j’arrive aux Etats-Unis, l’argent c’est le mien que je mets, ce n’est pas celui des autres. Donc ce n’est pas la même prise de risque. Quand je décide de ne pas acheter Time Warner je le fais en pensant à mes enfants, je me dis «on n’est pas prêts» (…). Il y en a d’autres qui ont racheté en disant c’est super, c’est beau, c’est grand. Donc on n’a pas du tout la même approche». Patrick Drahi affirme ne pas être inquiet du niveau de la dette de son groupe estimée à 50 milliards d’euros, en raison, dit-il, des taux quasiment nuls pratiqués actuellement et de la croissance prévue de l’activité notamment aux Etats-Unis où Altice vient de boucler l’acquisition pour 17,7 milliards de dollars du câblo-opérateur Cablevision qui le propulse au 4ème rang du secteur. «A l’époque des taux d’intérêt à 4-5% dans les années 2000, on empruntait à 8-9%. Aujourd’hui les taux sont tellement bas que vous pouvez emprunter à beaucoup plus long terme. Quand on achète par exemple SFR on emprunte à 7 ans. Un an plus tard on a repoussé l’échéance à 10 ans en baissant le coût de la dette. Donc aujourd’hui on n’a aucune contrainte de financement sur les 7 prochaines années», avance-t-il.

Quid des conséquences d’une remontée inéluctable des taux d’intérêt qui pourrait gonfler sa dette ? «Est-ce que dans 7 ans le rééchelonnement de cette dette va être plus onéreux? C’est probable mais ce n’est pas gênant parce qu’on aura beaucoup amélioré nos résultats», répond-il. S’il a disparu depuis lundi des organigrammes exécutifs de son groupe, l’homme d’affaires n’entend pas pour autant rester en retrait et vise une part importante du marché des télécoms (mobile et câble) américain estimé à 500 milliards de dollars. «Ici, il y a beaucoup de possibilités. En France, il n’y a pas de possibilité. Ici il y a de quoi faire. Il y a plus d’avenir. La consolidation en Europe va attendre un peu», dit M. Drahi, qui ne prévoit pas de nouvelles acquisitions avant 2017. La croissance américaine passera en effet par de nouvelles acquisitions aussi bien dans le mobile que le câble – T-Mobile et Cox pour les analystes – des économies et la hausse des revenus suite à des centaines de millions d’investissements prévus dans la modernisation du réseau. En 2017, Altice entend lancer une Box unique aux Etats-Unis, 1ère étape de la convergence entre tuyaux et contenus.