«La schizophrénie» de la mode épinglée par le journaliste et documentariste Loïc Prigent

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«Elle est épuisante la mode!», lâche dans un éclat de rire le journaliste et documentariste Loïc Prigent, grand spécialiste des défilés, passé maître dans l’art de traduire, à travers de petites phrases drôles, «la schizophrénie» d’un milieu qui fascine autant qu’il peut agacer.

Quelque deux milles de ses «petites perles» humoristiques, dont il gratifie ses plus de 200.000 abonnés sur Twitter, ont été réunies dans «J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste», qui vient de paraître chez Grasset. Catherine Deneuve, autre grande habituée des défilés, en lira aussi certaines dans une série qu’il a réalisée, diffusée sur Arte à partir du 26 septembre, veille de l’ouverture de la «Fashion Week» à Paris. Exemples de choses drôles ou saisissantes sorties «de la bouche de mannequins, de créateurs, de confrères, d’amis» et répercutées par ce spécialiste de mode sur les réseaux sociaux: «Il a inventé le t-Shirt à 500 euros. C’est un génie!», ou plus récemment: «- Je n’arrive pas à savoir si c’est affreux ou si ça change la façon dont on va s’habiller les dix prochaines années. – Les deux». Parfois «malheureusement j’en prononce moi-même», admet en riant Loïc Prigent. Il consigne ses «pépiements», de façon «spontanée» et «en vrac» dans son téléphone. «Je les retravaille… ce n’est pas d’une pureté absolue, il y a des tamis», précise-t-il. Le titre de son livre, ajoute-t-il, «exprime bien la schizophrénie du milieu et le sentiment extrêmement ambivalent que beaucoup de gens ont pour la mode», observe cet expert en bons mots. «Ca dit bien ce que c’est et ce qu’il m’arrive parfois de ressentir, à un point proche de la détestation. Par moments, j’en suis saoulé!». Agé de 43 ans, il a grandi bien loin des podiums et des flashes: il est originaire d’un milieu «méga-rural» en Bretagne, avec des parents «paysans» qui avaient toujours les «mains dans la terre», «faisaient de l’artichaut, du chou-fleur, et de l’échalote!». Grandir au milieu des champs, dit-il, «c’était génial! Le grand délire pastoral!». A l’âge de 20 ans, il a découvert Paris, à l’occasion d’un stage dans l’édition. Il plonge bientôt dans le milieu de la mode. Il a réalisé depuis une quinzaine d’années plusieurs documentaires remarqués sur les coulisses de grandes maisons de création et signe avec Mademoiselle Agnès la série décalée «Habillées pour…» sur Canal+.

Avant même la naissance de Twitter, Loïc Prigent s’est fait une spécialité des «pépiements», publiés dans des «fanzines» ou «Libé», dans les années 1990, évoquant les «le clubbing et les Parisiens» et ensuite les défilés, sa vraie passion: «C’est télégénique, c’est le show, le pinacle». «Je continue de débarquer, on débarque tout le temps», assure-t-il, cultivant une distanciation par rapport à un milieu dont il sait relever les excès – «il faut être en -issime, sublime ne suffit pas, il faut être sublimissime» – tout restant fasciné: «Le monde marche à l’envers et comme la mode va dans le sens inverse du monde, peut-être qu’elle va à l’endroit», fait-il valoir. «C’est un truc auquel je crois assez». Une passion des créateurs et des vêtements que partage Catherine Deneuve, prestigieuse interprète qui va dire certaines de ses «petites perles» dans la série prochainement diffusée sur Arte. «Elle connaît bien les Parisiennes, le milieu, les couturiers, les créateurs, les photographes de mode, le monde dans lequel elle vit, elle a des antennes de partout», remarque le journaliste, qui est en train de finaliser la série de 22 épisodes de 2’. Une star qui a, selon le journaliste, «beaucoup ri» pendant le tournage.