A. LASCH (SNEP) : «96% des 16-24 ans écoutent de la musique en streaming»

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Après 4 ans de résultats positifs, le marché de la musique enregistrée en France reste stable à 781 M€, preuve de la solidité de son modèle économique qui a su tenir le cap malgré un contexte complètement bouleversé par la crise sanitaire. Détails et analyse avec Alexandre LASCH, Directeur général du SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), principale organisation patronale regroupant les producteurs, éditeurs et distributeurs de musique enregistrée, partenaires des artistes de la musique.

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La croissance de la musique enregistrée a-t-elle été entravée par la crise sanitaire ?

ALEXANDRE LASCH

Le marché 2020 de la musique enregistrée est resté stable. Dans un contexte économique dégradé, et tout particulièrement pour les secteurs culturels, c’est un exploit. Ces résultats sont à mettre au crédit des producteurs de musique qui ont poursuivi sans relâche leurs efforts humains et financiers pour développer des carrières et faire briller des artistes. En revanche, cette stabilité du marché masque une situation contrastée. D’un côté, nous observons une baisse significative des droits voisins (-19%) liée à la baisse des revenus publicitaires des médias traditionnels et à l’impact de la fermeture des commerces et des lieux publics sonorisés. Recul significatif aussi pour les ventes de CD (-27%). De l’autre côté, on enregistre une progression continue du streaming par abonnement (+23,2%).

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Peut-on parler de modèle économique solide ?

ALEXANDRE LASCH

Oui, absolument ! Le marché musical s’est totalement reconfiguré en 7 ans. En 2013, les revenus générés par les exploitations numériques représentaient 1/4 du chiffre d’affaires contre 3/4 aujourd’hui. Les grands marchés de la musique enregistrée dans le monde se sont recentrés sur le streaming par abonnement. Fin 2020, nous enregistrions 8,7 millions d’abonnements au streaming payant, ce qui représente 13% de la population française. A titre de comparaison, le taux de pénétration aux États-Unis est de 23%. Il y a donc encore des marges de progression.

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L’écart entre le streaming et les ventes physique se creuse-t-il ?

ALEXANDRE LASCH

Singulièrement, en 2020, sous l’effet de trois mois de fermeture des commerces culturels, les ventes de supports physiques ont reculé, le CD en particulier. Pour autant, dans ces circonstances, le vinyle a su tirer son épingle du jeu avec 4,5 millions d’unités vendues, en hausse de 10%. Dans un contexte aussi complexe que celui de l’année 2020, c’est un exploit. Le vinyle représente à lui seul 28% des ventes physiques, une part qui a plus que doublé en 3 ans. (191.000 platines se sont également vendues en 2020, ndlr).

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Que retenir de l’évolution de l’écoute en streaming ?

ALEXANDRE LASCH

Nous avons réalisé des enquêtes d’usages pour bien comprendre les ressorts de sa croissance. Le média qui rassemble le plus d’auditeurs pour la musique reste la radio pour 85% des Français. C’est un chiffre en recul de 3 points cette année. Le streaming audio et vidéo arrive en deuxième position puisqu’il concerne 71% de la population, et même 96% chez les 16-24 ans. Le nombre d’abonnements payants a progressé de 20% en 2020.

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Comment expliquer la vitalité de la production musicale française ?

ALEXANDRE LASCH

Pour la 3ème année consécutive, 19 des 20 meilleures ventes d’albums en 2020 sont des productions françaises, chantées en français. Ces résultats s’inscrivent aussi dans le Top 200 puisque 80% des albums classés sont développés en France. Il y a toujours eu une affection particulière du public pour les artistes locaux. Ça s’est largement développé.

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L’engouement pour le rap et les musiques urbaines, est-ce une réalité ?

ALEXANDRE LASCH

Absolument ! Les albums de rap et de musiques urbaines représentent plus de la moitié du Top 200. Le jeune public en est particulièrement friand. C’est aussi ce public qui se tourne plus rapidement vers le streaming. Pour autant, la pop et le rock sont des genres très écoutés. Sur la consommation totale (CD, vinyle, streaming payant), 47% des écoutes se font sur ces genres.

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Quid des artistes français à l’international ?

ALEXANDRE LASCH

Leur succès ne se dément pas à l’étranger. Les revenus de l’exportation des productions musicales françaises représentent l’équivalent de 13% du chiffre d’affaires des ventes réalisées dans l’Hexagone. Le champion toute catégorie, c’est David Guetta qui a reçu près de 200 nouvelles certifications de diamant en 2020 pour l’écoute de ses singles hors de France. Mais de nouvelles histoires s’écrivent pour beaucoup d’autres artistes comme Aya Nakamura, Louis and The Yakuza, Antoine Chambe, Polo & Pan, Bosh, etc. Ils deviennent les nouveaux porte-étendards de la musique made in France. Notons que le rap et les musiques urbaines rejoignent l’électro en tête des plus grands succès export avec 37% des certifications chacun. C’est le signe que l’expression francophone n’est plus une barrière à l’export.

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Le turn-over des nouveautés en radio est-il récurrent ?

ALEXANDRE LASCH

Lorsqu’on interroge les Français, ils continuent de penser que l’on entend toujours les mêmes titres à la radio. Pour autant, le répertoire francophone se renouvelle. En 3 ans, nous avons constaté une augmentation de 77% des nouvelles entrées en playlists francophones. Là-aussi en radio, la diversité s’accentue. C’est grâce aussi au dispositif des quotas de chansons francophones à la radio.

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Quelle est la place de la musique à la TV ?

ALEXANDRE LASCH

Avec 5 émissions de Prime Time de moins que l’an dernier (31 Prime de moins depuis 2018, soit une baisse de près de 20%), la musique ne représente que 6% de l’offre télé sur ce créneau fédérateur. Néanmoins, c’est un partenaire primordial pour la découverte de nouveautés, et la mise en valeur d’artistes. C’est dans ce sens que nous avons conclu en début d’année un accord avec M6 et W9 qui devrait améliorer durablement l’exposition de la musique et l’actualité des artistes.