A Taïwan, le lancement d’un satellite chinois sème la confusion

94

Le lancement mardi d’un satellite chinois a provoqué l’envoi d’un message officiel d’alerte sur tous les téléphones à Taïwan, quatre jours avant une élection présidentielle cruciale pour la sécurité de la région. Peu après 15h00 (07h00 GMT), l’alerte, accompagnée d’une vibration, est apparue automatiquement sur les écrans des téléphones mobiles de l’île, appelant la population à «faire attention»: «La Chine a lancé un satellite qui a survolé l’espace aérien du sud». Le message a d’abord semé la confusion car la traduction en anglais évoquait un «survol de missile dans l’espace aérien de Taïwan». Sur le réseau social X (ex-Twitter), de nombreux internautes ont posté des captures d’écran de leurs téléphones, s’inquiétant du contenu du message. «En chinois, ça dit satellite, mais en anglais missile?», s’interrogeait l’un d’eux. «QUOI», écrivait un autre. «Je n’ai jamais vu ça», renchérissait un troisième. Le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu, qui tenait à la même heure une conférence de presse, s’est immédiatement voulu rassurant, confirmant qu’il s’agissait bien d’un satellite, dont le lancement pouvait entraîner la chute de «débris» sur l’île. «C’est pourquoi notre centre national d’alerte lance ce genre d’alerte, cela s’est déjà passé auparavant», a-t-il assuré. «A plusieurs reprises, la Chine a fait voler ses satellites au-dessus de Taïwan et nous avons pu les détecter, et comprendre que ces fusées (assurant la mise en orbite du satellite, ndlr) volaient en fait très haut et qu’elles ne devraient pas causer de dégâts à Taïwan», a ajouté le ministre. Dans un communiqué, le ministère de la Défense a «présenté ses excuses au public», évoquant une erreur de traduction à l’anglais. Le lancement du satellite dédié à l’observation de l’espace a été annoncé, côté chinois, par la télévision d’Etat CCTV, qui a qualifié l’opération de «succès». Le satellite baptisé Einstein Probe (EP), qui utilise une nouvelle technologie de détection des rayons X, a été lancé à 15h03 (07h03 GMT) depuis le sud-ouest du pays, a précisé l’agence officielle Chine nouvelle. En avril 2023, la Chine avait interdit pendant quelques heures toute navigation maritime dans une zone située au nord de Taïwan, en raison de la «possible chute de débris» liée au lancement d’un satellite. Mais elle avait lancé son alerte quelques jours avant la date prévue du lancement, et non le jour-même. Le candidat favori de l’élection présidentielle, le vice-président sortant Lai-Ching-te, a accusé mardi Pékin de tenter d’influencer par «tous les moyens» le scrutin, dont le résultat sera déterminant pour les relations entre l’île et la Chine. Pékin s’immisce dans «chaque élection à Taïwan», mais cette année ses manoeuvres sont «les plus fortes» jamais enregistrées, a affirmé Lai Ching-te, lors d’une conférence de presse. «Outre l’intimidation politique et militaire, la Chine utilise des moyens économiques, la guerre cognitive, la désinformation, les menaces et les incitations», a assuré le candidat, dont le Parti démocrate progressiste (DPP) affirme que Taïwan est déjà un État indépendant de facto. «Elle utilise tous les moyens pour interférer dans cette élection», a-t-il martelé. La Chine déploie régulièrement sa force militaire en envoyant des avions de chasse, des drones de reconnaissance et des navires de guerre autour de l’île. Elle a mené ces dernières années plusieurs exercices militaires d’ampleur, notamment pour simuler un blocus de Taïwan. Cette semaine quatre ballons chinois ont franchi la ligne médiane qui sépare l’île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, tandis que 10 avions et quatre navires de guerre ont aussi été détectés. La Chine estime que Taïwan est l’une de ses provinces qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Pékin dit privilégier une réunification «pacifique» avec Taïwan mais n’écarte pas l’option militaire pour y parvenir.