Atos : fin des négociations avec Daniel Kretinsky

57

Le groupe français informatique Atos, plongé dans une crise financière, a mis un terme mercredi à des mois de suspense en annonçant la fin des négociations entamées avec la société du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky pour la vente de sa branche Tech Foundations. Atos, très endetté et scruté de près par les investisseurs et les créanciers, a bouleversé le calendrier en faisant cette annonce la veille de la publication attendue de ses résultats annuels. Ces derniers ont été reportés au 20 mars, dans l’attente d’une certification indépendante des comptes de l’entreprise. Ce n’est cependant «pas une énorme surprise», a commenté Lionel Melka, associé gérant de la société de conseil pour les affaires Swann Capital. L’abandon de ce projet de cession, officialisé en août 2023, faisait depuis plusieurs semaines l’objet de nombreuses rumeurs. En attendant le 20 mars, le groupe a annoncé dès mercredi que son c.a. en 2023 s’élevait à près 10,7 milliards d’euros, contre 11,3 milliards en 2022, et que sa marge opérationnelle était de 4,4% sur l’exercice. Atos et EPEI, société de Daniel Kretinsky, «ne sont pas parvenues à un accord mutuel satisfaisant», a indiqué l’entreprise dans un communiqué. Son directeur général Paul Saleh a ajouté que la rupture des discussions s’était faite par «consentement mutuel». Cet abandon n’entraînera pas de dédommagement de l’une ou l’autre partie, a précisé le groupe. «Ce n’est peut-être pas une mauvaise nouvelle», ajoute Lionel Melka au sujet de la fin des discussions avec Daniel Kretinsky, «très mal vues par beaucoup d’actionnaires». Avec la fin des négociations entre Atos et la société EPEI de Daniel Kretinsky, l’avenir du groupe plonge un peu plus dans le flou. Le projet de restructuration, entamé avec la scission d’Atos en deux entités annoncée à l’été 2022, patine, et son action a été dévaluée de plus de 70% depuis le début d’année. L’entreprise a renoncé début février à une augmentation de capital à hauteur de 700 millions d’euros. Tech Foundations, qui regroupe les activités historiques d’infogérance, reste en vente, a précisé une source proche du dossier. Pour l’instant, aucun autre repreneur ne s’est fait officiellement connaître, les discussions menées avec M. Kretinsky faisant l’objet d’une clause d’exclusivité. Cet abandon pourrait provoquer la mise en marche d’autres projets de cession. En octobre, Atos avait indiqué que «si l’opération avec EPEI n’[avait] pas lieu, le groupe devra[it] accéder aux marchés de capitaux (dettes et actions) ou envisager la vente d’actifs supplémentaires, afin d’assurer une liquidité adéquate pour faire face aux échéances de la dette en 2025». Le projet de vente à Airbus des activités Big Data & Security (BDS), dévoilé début janvier, est quant à lui toujours en cours, les deux parties ayant entamé une phase de due diligence (consultation des comptes). Ces cessions sont cruciales pour Atos, dont le niveau d’endettement affole les investisseurs, avec 3,65 milliards d’euros d’emprunts et obligations à rembourser ou refinancer d’ici fin 2025. Dans son communiqué publié mercredi, Atos a précisé que son flux de trésorerie disponible pour le 2nd semestre «s’est élevé à -109 millions d’euros» et que son endettement financier net était «de 2.230 millions d’euros en fin d’année 2023». Afin de se refinancer auprès de ses créanciers, le groupe a annoncé début février la nomination d’une mandataire ad hoc, Hélène Bourbouloux, qui s’est notamment chargée des dossiers Casino et Orpea. Celle-ci s’est vue confier la mission de négocier avec 22 établissements bancaires, sous l’oeil attentif de Bercy. Atos possède en effet des supercalculateurs, notamment utilisés dans le secteur de la défense et le nucléaire, qui posent des enjeux de souveraineté. «Nous suivons étroitement les négociations avec les financeurs du groupe», a indiqué la secrétaire d’État chargée du Numérique, interrogée à l’AN mercredi. Marina Ferrari a répété que la situation d’Atos était «étroitement surveillée» par le gouvernement.