Cession du réseau de Telecom Italia : Vivendi persiste et signe

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Après la décision de la justice italienne de rejeter son recours contre la cession du réseau fixe de Telecom Italia au fonds d’investissement américain KKR, le géant français des médias Vivendi a aussitôt annoncé mardi sa décision de faire appel. Premier actionnaire de Telecom Italia avec une part de 23,75%, Vivendi relance ainsi la bataille judiciaire alors que le tribunal de Milan a indiqué que ses requêtes ont été déclarées «irrecevables pour défaut d’intérêt à agir». Cette décision concernant le recours déposé en décembre 2023 a été rendue publique par le président du tribunal Fabio Roia dans un communiqué, commentant un verdict rendu la veille. Le groupe français avait réclamé «l’annulation» de cette vente qu’elle jugeait «illégale» car elle n’avait pas été soumise à l’approbation préalable des actionnaires. «Vivendi continue de considérer que la cession du réseau» aurait «dû faire l’objet d’un vote en AG des actionnaires car il s’agit d’un actif essentiel dont la cession change l’objet social» de Telecom Italia, a insisté le groupe mardi. Selon Vivendi, la décision du tribunal sur son «défaut d’intérêt à agir» se base notamment sur le fait que le groupe «n’aurait pas déclaré son intention de vote en cas de convocation d’une assemblée des actionnaires» et «non pas sur le fond du dossier». Vivendi «s’est bien gardé de manifester son intention de voter contre la modification de l’objet social, préférant se plaindre» de l’absence de tenue d’une assemblée extraordinaire dont il «aurait d’ailleurs pu demander» la convocation en tant qu’actionnaire principal, indique le jugement. Le groupe français a été condamné par le tribunal à payer à Telecom Italia 33.686 euros «plus 15% pour les frais généraux et les frais de justice». Le CA de Telecom Italia, dans lequel Vivendi ne siège plus depuis janvier 2023, avait approuvé en novembre 2023 la cession du réseau fixe à KKR, associé au gouvernement Meloni, pour un montant pouvant atteindre 22 milliards d’euros. Le groupe italien avait ainsi tenu tête à son principal actionnaire, qui était opposé à la cession du réseau et avait jugé largement insuffisante la proposition de KKR. Cette transaction, qui a été finalisée en juillet 2024, était restée nettement en dessous des attentes de Vivendi, qui misait sur 31 milliards d’euros. Cette vente, une 1ère pour un grand opérateur de télécommunications en Europe, visait à réduire la lourde dette de l’opérateur. «Les droits des actionnaires de Telecom Italia ont été piétinés», avait protesté le groupe de Vincent Bolloré après l’annonce de la cession. «Cinq avis juridiques ont confirmé que la cession» du réseau aurait «nécessité une modification préalable des statuts de Telecom Italia, une décision relevant de la seule assemblée générale extraordinaire des actionnaires», avait assuré Vivendi. Telecom Italia avait affirmé, au contraire, que cette décision relevait de la seule responsabilité de son conseil d’administration, se basant sur 3 avis juridiques. Vivendi n’en est pas à son coup d’essai en matière de batailles judiciaires en Italie. Le groupe italien de télévision Mediaset et Vivendi s’étaient affrontés devant les tribunaux pendant près de 5 ans, à la suite d’une décision de son concurrent français, en 2016, de revenir sur un accord prévoyant le rachat du bouquet Mediaset Premium. Vivendi s’était ensuite lancé dans un raid, jugé «hostile» par la famille Berlusconi, principal actionnaire de Mediaset, pour acquérir 28,8% du groupe italien. Le colosse français a en outre contesté en justice en 2019 le projet de Mediaset de fusionner ses activités italiennes et espagnoles au sein d’une holding européenne. Après ces longues turbulences, les 2 géants européens des médias avaient enterré la hache de guerre en mai 2021, en annonçant «renoncer à tout litige». Depuis plusieurs mois, les spéculations vont bon train en Italie sur une prochaine cession de la part de Vivendi dans Telecom Italia, des «rumeurs» que le groupe français n’a jamais souhaité commenter.