Entretien avec Alain CLERT, Président de Son et Lumière

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A partir du mercredi 14 décembre, France 2 diffusera en Prime une fiction prestigieuse, «Rani». Marque-t-elle le retour en grande pompe du feuilleton romanesque ?
Alain CLERT
Avec «Rani» (8X52’), l’idée était de réinventer l’Inde du 18ème siècle en recréant avec modernité les fresques qui se sont déroulées dans le passé. Nous avons utilisé 1.300 costumes différents qui ont été dessinés et fabriqués sur place. Le budget de la fiction est de 14 millions € et France 2 a été totalement conquise par le programme. Notons que la saga a été commandée par un premier responsable de la fiction, et que la production s’est déroulée sous un deuxième directeur de la fiction. Enfin, la série a été livrée sous un troisième directeur de la fiction ! C’est généralement l’un des drames du service public, à chaque changement de directeur de la fiction à France Télévisions, les programmes précédents sont couramment annulés au bénéfice de nouveaux… Sur «Rani», nous avons eu de la chance !
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Le tournage de «Rani» s’est déroulé dans le Nord et le Sud de l’Inde. Quelles sont les principales difficultés d’un tournage en décor naturel ?
Alain CLERT
Les Indiens ne sont pas habitués à tourner un épisode de 52’ en 12 jours. L’équipe était composée d’une trentaine de Français, contre 200 à 400 Indiens.  L’Inde est un pays qui dispose aussi de ses propres coutumes. Par exemple, la propriétaire d’un palais qui nous servait de décor, est décédée pendant le tournage. Dans les heures qui ont suivi son décès, son corps a été exposé à l’endroit où nous tournions. Nous avons dû stopper le tournage.
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La fiction française a-t-elle rattrapé son retard par rapport à la fiction étrangère ?
Alain CLERT
Pas du tout ! La fiction française est totalement en retard. Je reviens des États-Unis où «Engrenages» avait été nominé aux Emmy Awards. Quand je vois la production mondiale de séries sur les 15 catégories des Emmy Awards, nous étions les seuls nommés dans une seule catégorie, alors que les sud-américains, allemands, anglais et scandinaves l’étaient dans plusieurs. En définitive, il faut s’ouvrir au monde. La France est le dernier pays à faire autant de téléfilms unitaires, que j’ai tendance à considérer comme du sous-cinéma. Le public a besoin de retrouver leur héros, ce qui est le principe même de la télévision. La France est le seul pays en Europe où les séries américaines sont diffusées en Prime et font de meilleurs scores que les séries françaises. La solution est d’avoir une politique de pilotes. C’est pourquoi, l’ensemble de la profession tente de créer une cellule qui investira dans des pilotes. Nous réunissons actuellement les financements.
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La série «Engrenages» est un beau succès sur Canal+. Une 4ème saison est-elle dans les tuyaux ?
Alain CLERT
La saison 4 est en cours de tournage pour Canal+ avec 12 nouveaux épisodes. Nous allons débuter l’écriture de la saison 5 en janvier. Nous avons d’ailleurs un agent aux États-Unis car «Engrenages» fait l’objet d’un remake américain tourné à Philadelphie et commandé par la chaîne BBC America. En télévision, il faut avoir autant d’ambition que pour le cinéma. «Engrenages» a été exporté dans plus de 70 pays. Quand vous regardez les séries américaines, vous vous imprégnez de la culture US et l’Amérique vous fait rêver. J’observe qu’ «Engrenages» fait rêver les anglo-saxons. Au Royaume-Uni, «Engrenages» est une série culte et les acteurs se font arrêter dans la rue.