Escroqueries au bitcoin: 10 ans de prison requis contre le Russe Alexander Vinnik

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Un «pirate d’envergure internationale», «pionnier» des cyber-attaques : dix ans de prison ont été requis vendredi contre le Russe Alexander Vinnik, jugé à Paris pour une affaire d’escroqueries au bitcoin portant sur des dizaines de millions d’euros. Contre «le chef d’orchestre» du rançongiciel Locky, qui a fait près de 200 victimes en France entre 2016 et 2018, et «le maître» de la plateforme d’échange de bitcoins BTC-e sur laquelle les rançons étaient payées, la procureure a aussi demandé l’amende maximale de 750.000 euros. M. Vinnik, 41 ans, maintient qu’il n’a «rien à voir avec ce virus» et se présente comme «simple opérateur freelance» pour la plateforme BTC-e, haut lieu de blanchiment d’argent. Mais depuis l’ouverture de son procès lundi, il n’a pas pu «s’empêcher de nous faire part de son savoir en matière de cyber et de bitcoin», note la procureure Johanna Brousse au début de son réquisitoire. Celui qui s’est défini comme «autodidacte» est surtout un «pirate extrêmement doué», «extrêmement intelligent», dit-elle, et un «pionnier», parmi les 1ers à avoir créer un rançongiciel «particulièrement lucratif» avant «l’explosion du phénomène». «Il tient le système, il donne les ordres», insiste-t-elle, même si elle a la «certitude» qu’il «n’a pas agi seul». Tout au long de son exposé, Alexander Vinnik, mince silhouette aux cheveux ras, reste de marbre. Le logiciel malveillant Locky cryptait les données des systèmes informatiques, les rendant inaccessibles à moins de payer une rançon en cryptomonnaie pour obtenir une clé de déchiffrement. Au total, il a fait quelque 5.700 victimes dans le monde et aurait occasionné un préjudice estimé en 2018 à près de 135 millions d’euros. Cette criminalité est «lucrative» mais aussi «dangereuse», insiste la procureure. En France, elle a fait des «ravages», a touché des services publics – les Allocations familiales font partie des victimes – mais aussi de nombreuses mairies, des associations, des sociétés et des particuliers. A la barre, une victime, avocate de 68 ans, a raconté comment elle avait «perdu quatre années de (sa) vie, 4 années de travail, de santé, de vie sociale» après le piratage. La rançon qu’on lui demandait équivalait à 2.800 euros. «Si j’avais pu imaginer un instant dans quelle galère je me retrouverais après, peut-être que j’aurais payé», avait-elle dit. «Voilà ce qu’est une cyberattaque, vous avez des victimes réelles», a insisté la procureure, demandant au tribunal d’envoyer «un message» aux cybercriminels «cachés derrière leurs écrans à l’autre bout du monde» : on ira «les traquer» pour «les juger ici». Le procès s’est tenu toute la semaine dans une ambiance particulièrement électrique, la défense de M. Vinnik interrompant régulièrement les débats pour dénoncer des «questions pièges». Plutôt taiseux au début, Alexander Vinnik, qui avait gardé le silence devant les enquêteurs, a davantage parlé ensuite. Pour évoquer la maladie de sa femme, en soins palliatifs à 35 ans pour un cancer généralisé, et le «traumatisme» de la séparation d’avec ses jeunes enfants, présents lors de son arrestation en 2017 sur une plage de Grèce où il était en vacances. Puis pour commenter le travail, bâclé selon lui, des enquêteurs français et américains – les Etats-Unis ont prononcé 21 chefs d’inculpation à son encontre et espèrent le récupérer une fois la procédure française terminée. «Comment expliquez-vous alors que tout pointe vers vous ?», lui avait demandé la procureure. «Je suis russe. Les Etats-Unis et les Européens n’aiment pas la Russie», avait-il répondu, se définissant comme un «trophée militaire». Sa défense a plaidé la relaxe, mettant en avant des «preuves pourries, fabriquées» et une procédure d’extradition «honteuse». «Il n’y a pas de preuve authentique et utilisable contre M. Vinnik dans ce dossier», a insisté son avocate grecque Zoe Konstantopoulo. Le jugement sera rendu le 7 décembre.