France 2: Valls chez Ruquier samedi, au risque de prêter le flanc aux critiques sur l’«infotainment»

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Après un passage au «Petit Journal» et des tribunes sur Facebook, Manuel Valls sera samedi soir le premier chef du gouvernement à se rendre sur le plateau de l’émission de Laurent Ruquier «On n’est pas couché», quitte à prêter le flanc aux critiques sur l’«infotainment». A Matignon, on souligne l’intention du Premier ministre de «parler de fond» en «s’adressant à tous les publics» pendant une longue interview, bien que l’émission de France 2 soit parfois critiquée pour le mélange information et divertissement et son côté «politique spectacle». La règle est toutefois bien connue en matière de communication politique: pour s’adresser à tout le monde, il faut varier les modes d’expression.

Visiteur régulier, voire abonné aux JT et aux matinales des radios (des dizaines de passages depuis son arrivée à Matignon), M. Valls -baptisé «Robocom» dans un récent documentaire- cherche à élargir son audience via les réseaux sociaux ou des émissions moins «classiques».Après les attentats du 13 novembre, le Premier ministre avait choisi de se rendre au «Petit Journal» de Yann Barthès, devenu l’émission phare de Canal+ grâce à ses succès d’audience, en particulier chez les jeunes. C’était déjà la première fois qu’un Premier ministre participait à l’émission. «Le fait que «Le Petit Journal» ne soit pas une émission classique n’a pas empêché qu’on parle de fond», souligne-t-on dans l’entourage de M. Valls. Le Premier ministre a aussi multiplié ces derniers mois les tribunes sur Facebook, après avoir déjà fait de Twitter son principal canal de réaction immédiate à l’actualité. Aller «chez Ruquier», «c’est devenu une sorte de passage obligé pour les politiques, car c’est un espace pour exister, avec des clashes, du buzz», souligne Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de la communication politique. «C’est surtout un moyen de montrer qu’on est capable de résister à la critique, car on s’y fait décaper». Ce talk-show du samedi soir (enregistré le jeudi) s’est en effet surtout fait connaître par la véhémence de son duo de chroniqueurs (actuellement la journaliste Léa Salamé et l’écrivain et réalisateur Yann Moix), qui n’hésitent pas à étriller les invités, qu’ils soient issus du monde du spectacle ou de la politique. Comme chaque responsable politique invité dans cette émission vedette (plus d’un million de téléspectateurs et 20% de part d’audience), le Premier ministre répondra à leurs questions pendant «1 heure ou 1h15». M. Valls, qui ne cesse d’appeler à «prendre de la hauteur» et de sortir des «postures» politiciennes, descend donc dans une arène où il faut ferrailler. «C’est le danger pour Manuel Valls: il apparaît déjà comme l’homme qui ne sourit jamais. Il risque de renforcer cette image de procureur, un peu cassante, qu’il a déjà à l’Assemblée nationale, juge M. Moreau-Chevrolet. Le Premier ministre se risque aussi à la contradiction: fin septembre, sur le plateau de l’émission «Des Paroles et des Actes» (France 2), il avait mené une charge remarquée contre la «politique spectacle», refusant de lire à l’antenne des tweets qui lui étaient défavorables, lors d’une fin de programme moins «sérieuse». S’il s’y rend pour la 1ère fois comme Premier ministre, M. Valls est un familier du plateau d’«On n’est pas couché», avec deux passages en tant que ministre de l’Intérieur (avril et décembre 2013) et 2 passages quand le PS était dans l’opposition. «Il n’y a rien de déshonorant» à venir à l’émission car «on fait une vraie interview politique», s’est défendu Laurent Ruquier sur RTL mercredi, ajoutant que c’était «des questions qu’on ne se (posait) pas ailleurs, aux Etats-Unis par exemple». D’autres politiques -Nicolas Sarkozy, Alain Juppé…- s’y refusent toutefois, jugeant que le débat sur ce plateau n’est pas à la hauteur.