Guilhem COTTET, Délégué Général de la Guilde des Scénaristes

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Après 3 ans d’existence, la Guilde des Scénaristes réunit aujourd’hui près de 330 professionnels du scénario (fiction tv, animation, cinéma). Afin de bien comprendre les actions menées par la structure, média+ s’est entretenu avec Guilhem COTTET, Délégué Général de la Guilde des Scénaristes.
media+
Les scénaristes français évoluent-ils dans un écosystème audiovisuel sain ?
Guilhem COTTET
Absolument pas ! C’est tout le sens de la conclusion du rapport Chevallier publié en 2011. Notre secteur déplore une perte du lien de confiance entre auteurs/producteurs et auteurs/diffuseurs. La tribune de Rodolphe Belmer, directeur général du Groupe Canal+, dernièrement publiée dans le quotidien «Les Echos», souligne le manque d’esprit de collaboration entre auteurs. Nous sommes tout-à-fait d’accord avec ce diagnostique. Il y a un défaut d’esprit collectif dans la production de séries et nous assistons à une segmentation des différents professionnels du scénario. Mais la manière dont Rodolphe Belmer met en perspective la responsabilité des auteurs me semble un peu étrange…
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Quelle est justement votre réaction à ses propos ?
Guilhem COTTET
Depuis près 15 ans, les auteurs travaillent en atelier d’écriture pour élaborer ensemble des séries. C’est un système artistiquement porteur qui permet d’écrire plus rapidement, pour générer davantage de volume. Mais à ce jour, les pools de scénaristes ne sont pas financés à leur juste valeur. Cet aspect est indubitablement lié aux diffuseurs car l’essentiel des budgets fiction proviennent des chaînes. Disposer d’un atelier correctement financé, structuré et encadré, c’est l’assurance de produire une série en 6 mois et non pas en 1 an et demi. L’autre point essentiel sera de mettre en place un statut équivalent à celui du showrunner. Au-delà de la supervision de l’écriture, cette figure dispose des choix artistiques de la série.
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Les auteurs sont-ils prêts à passer à un stade industriel de la fabrication de série ?
Guilhem COTTET
Bien entendu ! Tout l’enjeu est de pouvoir produire davantage de séries et de volumes. Pour y arriver, l’important est de créer des conditions encadrées et stables pour pérenniser la création. D’un côté, nous devons avoir des ateliers d’écritures correctement financés, et d’autre part, il va falloir valoriser le statut du showrunner.
media+
Les auteurs français sont-ils rémunérés à leur juste valeur ?
Guilhem COTTET
Depuis 10-15 ans, nous observons une dégradation de la rémunération des auteurs. Dans la plupart des pays, le pourcentage dédié aux scénaristes dans le budget d’une œuvre s’élève à 10%. En France, c’est autour de 3 à 4%. Les Guildes américaines et canadiennes disposent de conditions de travail très précises pour rémunérer les auteurs à travers des grilles de tarifs, avec non seulement des rémunérations pour les textes rendus, mais aussi des salaires en fonction du temps de présence en atelier : 4.000$ pour un auteur junior par semaine et jusqu’à 30.000$ pour le showrunner. En France, nous n’avons pas cela, et nous souhaiterions le mettre en place. Chez nous, un scénariste est payé en fonction du format de l’oeuvre, de la chaîne, de la case et du producteur, mais aussi en fonction de sa notoriété et de sa capacité à négocier face à un producteur.