H. GATTEGNO (Radio Classique) : «Nous aspirons à créer une radio qui se distingue des autres»

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Loin de traverser une crise de la quarantaine, Radio Classique envisage l’avenir avec optimisme. Avec une grille des programmes renouvelée pour se concentrer davantage sur la culture, l’économie et l’actualité, la station fait une percée en matière d’audience: 1,1 million d’auditeurs chaque jour (+16% en 1 an). Résultat d’une stratégie que nous explique HERVÉ GATTEGNO, Directeur de la rédaction de Radio Classique.

MEDIA +

Audience en hausse, tout semble au beau fixe pour Radio Classique ?

HERVÉ GATTEGNO

Nous avons en effet beaucoup progressé : +16% sur 1 an et +12% sur la matinale. Ces chiffres témoignent des résultats tangibles de notre travail et des modifications apportées. Comme vous le savez probablement, nous démarrons la matinale une demi-heure plus tôt, à 6 heures du matin. Et les gens sont au rendez-vous.

MEDIA +

Démarrer la matinale une demi-heure plus tôt, ça s’est imposée naturellement ?

HERVÉ GATTEGNO

Nous visons à être une radio sérieuse et dynamique destinée à un public exigeant. Il nous a donc semblé naturel, pour répondre aux attentes de ces auditeurs, de commencer nos émissions à l’heure précise, avec un segment d’information, à l’instar des grandes radios. Nous n’avons aucune raison de douter de nos ambitions ou de nos compétences. Nous nous lançons pleinement dans cette aventure, en synchronisant notre départ avec celui des autres. C’est pour cette raison que nous accueillons ces résultats d’audience avec une certaine fierté.

MEDIA +

Quelle est la vision éditoriale de Radio Classique ?

HERVÉ GATTEGNO

Notre ligne reflète l’essence d’une radio consacrée à la musique classique, revendiquant un certain académisme, y compris dans notre manière de traiter l’information. Cette rigueur est également caractéristique de la musique classique elle-même. Nous aspirons à créer une radio qui se distingue des autres par son approche plus mesurée. Nous nous efforçons de ne pas nous laisser submerger par le Tohu-Bohu quotidien. Notre objectif est de maintenir une certaine distance en nous interrogeant quotidiennement sur la pertinence d’accorder autant d’importance à certaines polémiques, contrairement à d’autres médias. Nous privilégions l’approfondissement, l’explication et une analyse de haute qualité. Cette année, nous avons lancé une nouvelle rubrique de géopolitique, «L’écho du monde», animée par Christian Makarian, qui exige une attention particulière de la part de l’auditeur. Nous avons également introduit une courte leçon d’économie dispensée par Natacha Valla, une économiste renommée. Notre vision éditoriale repose sur l’exigence, la tempérance et une certaine distance au-delà des agitations superficielles.

MEDIA +

Vous êtes finalement assez raccord avec votre auditorat très CSP++ et urbain ?

HERVÉ GATTEGNO

C’est l’auditorat naturel d’une radio comme la nôtre. Mais je suis convaincu que l’intérêt pour la musique classique, la culture en général, et notre manière de traiter l’information peut séduire des personnes vivant hors des grandes agglomérations urbaines, et ce, indépendamment de leur âge. Nous n’avons pas la volonté de nous enfermer dans une cible particulière. Je refuse de faire du marketing journalistique. Meilleure est l’information que l’on traite et plus large peut être notre audience. Nos auditeurs peuvent nous écouter parce qu’ils sont qualifiés ou parce qu’ils recherchent à l’être. Après, il peut y avoir des questions d’ordre technique puisque nous n’avons pas les émetteurs qui nous permettraient d’être présents partout. Pour autant, Radio Classique réalise une audience nationale hertzienne supérieure à celle de son principal concurrent, avec six fois moins de fréquences.

MEDIA +

A défaut de ne pas avoir suffisamment d’émetteurs, vous vous appuyez sur le digital…

HERVÉ GATTEGNO

Notre approche stratégique se déploie sur plusieurs fronts. Premièrement, nous avons entièrement refondu notre application mobile l’année dernière, la rendant extrêmement intuitive. Cette app constitue un levier de croissance puissant pour nous. On a aussi évidemment en tête la refonte de notre site internet. Deuxièmement, nous sommes à l’avant-garde du développement du DAB+, qui représente un vecteur de croissance significatif pour notre audience. Il va nous permettre de corriger cette distorsion de concurrence que nous avons avec nos principaux concurrents qui eux bénéficient de beaucoup plus de fréquences. L’investissement dans le numérique est une évidence et ces efforts commencent à porter leurs fruits : nous enregistrons plus de 5 millions d’écoutes de nos podcasts chaque mois et plus de 3 millions d’écoutes en ligne mensuellement.

MEDIA +

L’âge moyen de votre auditeur est plutôt élevé. C’est un frein pour vous ?

HERVÉ GATTEGNO

Pas du tout ! Si, en ce qui concerne les programmes, nous envisageons des stratégies ciblées pour attirer de nouveaux auditeurs, pour l’information, nous évitons de succomber à la tentation du marketing. Certes, lorsque survient un événement majeur dans le monde de la musique classique, nous y consacrons plus d’attention que d’autres radios qui préfèrent se concentrer davantage sur Taylor Swift. Cependant, notre stratégie pour séduire un public plus jeune, qui représente l’avenir de la radio, consiste à faire appel à des spécialistes, à revenir aux fondamentaux et à expliquer clairement le fonctionnement des choses.

MEDIA +

Y’a-t-il des chantiers sur lesquels vous travaillez ?

HERVÉ GATTEGNO

Dans un média, il existe toujours de multiples projets en cours, un peu comme dans la gestion d’un immeuble où l’on doit constamment réparer et améliorer divers choses. Notre objectif principal est d’incorporer davantage de sujets culturels dans nos bulletins d’information, en rendant leur présence systématique.