Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit sur Internet

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C’est la vérité. Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit sur internet et de nombreux organes de presse en ligne manquent souvent de rigueur, contribuant, selon une étude américaine, à répandre des rumeurs. «Plutôt que de jouer le rôle de source d’une information exacte, de nombreux médias en ligne contribuent à la désinformation pour générer plus de passages et d’intérêt», indique l’étude «Lies, Damn Lies and Viral Content» (Mensonges, satanés mensonges et contenu viral). Les organes de presse ont toujours dû s’attaquer à des informations non vérifiées mais certains sites accélèrent la diffusion d’informations fausses, ajoute l’étude dirigée par Craig Silverman au Tow Center for Digital Journalism de l’université Columbia. «De nombreux sites ne vérifient pas ou très peu les informations qu’ils répandent. A la place, ils relient leur article à un autre média qui lui- même cite d’autres médias», indique l’étude. Les informations fausses sont souvent plus accrocheuses et plus intéressantes que les vraies, et se répandent donc encore plus, dit M. Silverman. Une rumeur parlait par exemple d’une combattante kurde surnommée «l’ange de Kobané» qui aurait tué une centaine de militants du groupe Etat islamique (EI) en Syrie. L’information, sans fondement, s’est propagée pendant des semaines en octobre dernier. Les chercheurs sont remontés jusqu’à un tweet du journaliste et militant indien Pawan Durani qui a posté la photo d’une jeune combattante, vantant ses exploits, et demandé de la retweeter. L’histoire de la jeune femme, puis la nouvelle de sa mort, ont été largement reprises «mais semblent totalement fausses», écrit le rapport. «L’histoire est trop belle. Ajoutez une image saisissante et c’est parfait pour qu’elle devienne virale sur les réseaux sociaux. En fait, la plupart d’entre nous ne connaîtrons jamais la véritable histoire de cette femme, et la presse en porte une part de responsabilité», ajoute l’étude.

Une «tendance inquiétante» : Selon M. Silverman, même si la plupart des informations fausses sont répandues par les «nouveaux médias» ou les tabloïds, les médias traditionnels et de qualité laissent la rumeur se répandre. «Quand une information fausse se propage sur les sites internet, il faut que la presse s’y intéresse, la signale à ses lecteurs et fasse la part de ce que nous savons et ce que nous ne savons pas», dit M. Silverman. Or, les démentis suivent rarement : «Une information selon laquelle des combattants de l’EI avaient été interpellés à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis a été réfutée en 24 heures et pourtant, seulement 20% des organes de presse qui l’avaient donnée, l’ont démentie», dit-il. Les résultats de cette étude montrent une «tendance très inquiétante», dit Bill Adair, professeur de journalisme à la Duke University qui a lancé en 2007 le site de fact-checking PolitiFact. «C’est particulièrement inquiétant de voir que des journalistes répercutent des informations sans savoir si elles sont vraies ou fausses», dit-il. Twitter et les réseaux sociaux vont vite et «beaucoup de gens, dont des journalistes, estiment que si c’est tweeté, c’est publié, et donc c’est de bonne guerre. Mais les organes de presse ont toujours eu l’obligation de vérifier ce qu’ils publient», dit M. Adair. Quelquefois, la rumeur est tellement répétée qu’elle gagne en crédibilité, dit l’étude.