Internet spatial: «personne n’a envie d’un monopole», prévient la DG d’Eutelsat Group

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«Personne n’a envie d’un monopole» sur l’internet spatial, prévient Eva Berneke, DG d’Eutelsat Group, le nouveau géant européen né de la fusion entre Eutelsat et OneWeb qui entend se faire une place face au service Starlink d’Elon Musk. La fusion avec le groupe britannique, entérinée fin septembre, est censée consolider la bascule d’Eutelsat vers les télécoms et le marché de la connectivité spatiale à haut débit en orbite basse (OTB), notamment utile pour desservir les régions isolées dépourvues de fibre optique, estimé à 16 milliards de dollars à l’horizon 2030. Le secteur a déjà vu émerger des acteurs majeurs, comme la constellation d’Amazon ou le mastodonte Starlink, qui a pris une longueur d’avance avec plus de deux millions de clients. Ce dernier a déjà mis en orbite près de 3.600 satellites et a été autorisé à déployer 7.500 des 30.000 satellites de la 2ème génération de sa constellation. La constellation de 618 satellites de OneWeb, déjà active pour certaines régions du monde, doit entrer en service au niveau mondial début 2024. «On a beaucoup de clients qui souhaitent qu’on y arrive rapidement. Ils disent: «On a pris Starlink parce qu’il n’y a que ça mais on a besoin de plusieurs fournisseurs, que ce soit dans le maritime, dans les télécoms ou autres». Ils souhaitent aussi de la concurrence, personne n’a envie d’un monopole», affirme Eva Berneke. «Sur tous les marchés de connectivité, si vous prenez la partie mobile, il y au moins trois ou quatre opérateurs parce qu’on a besoin de concurrence. (…) Il y a de la place pour quatre ou cinq opérateurs», insiste-t-elle. Face à Starlink et l’arrivée annoncée de la constellation Kuiper d’Amazon (3.200 satellites), Eutelsat prépare le coup d’après avec la 2ème génération de satellites OneWeb, la Gen2. «On vise une entrée en service en 2028», indique Eva Berneke. Car si sa traditionnelle activité vidéo réalise encore 60% du chiffre d’affaires du nouvel ensemble, «c’est la croissance de OneWeb qui va contribuer à la croissance du groupe», selon elle. Son c.a. «devrait croître» à un taux supérieur à 10% par an, pour atteindre environ 2 milliards d’euros au cours de l’exercice 2027, selon les objectifs présentés fin octobre. Le groupe compte également monter à bord de la constellation européenne Iris³ de satellites de communications sécurisées. Ce projet-phare de l’UE prévoit un réseau de satellites multi-orbitaux, dont 170 en orbite basse à lancer entre 2025 et 2027. Il est évalué à 6 milliards d’euros, dont 2,4 milliards proviendront du budget de l’UE. Eutelsat fait partie d’un consortium regroupant aussi bien les fabricants que les opérateurs de satellites et compagnies de télécommunications actuellement en négociations avec la Commission. «On cherche des synergies entre le fait qu’on va de toute façon lancer une plateforme Gen2 pour OneWeb et Iris³», explique la dirigeante, évoquant une éventuelle charge utile OneWeb à bord d’un satellite Iris³ ou l’inverse. «On peut tout imaginer, tout reste ouvert», selon elle. Quant au fait que OneWeb, filiale à 100% d’Eutelsat, soit sous souveraineté britannique à travers «la golden share» de son gouvernement dans l’entreprise, Eutelsat dispose des «options pour garantir à un client que ce n’est pas sous gouvernance anglaise», assure-t-elle. «Pour rassurer la partie française, on a mis en place un comité de sécurité» assurant que ne puissent avoir accès à certains éléments sensibles que les personnes dûment habilitées, détaille-t-elle, disant vouloir mettre en place un modèle pour Iris³. «On essaie toujours de viser début 2024» pour une contractualisation mais «il y a beaucoup de discussions autour des priorités» et de l’équilibre à trouver entre coût, calendrier, degré d’innovations et approvisionnement de sources européennes, confie-t-elle.