Iran : les «aveux» télévisés d’une danseuse créent la polémique

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La diffusion d’un film sur les effets néfastes des réseaux sociaux, avec le cas d’utilisateurs accusés d’avoir promu la danse en ligne,
provoque une polémique en Iran. Diffusé vendredi soir par Irib 1, la 1 ère chaîne de la télévision d’État, le «documentaire» intitulé
«Mauvaise voie» divulgue les témoignages, tournant aux aveux, de plusieurs hommes et femmes filmés à contre-jour de façon à ne
pouvoir être identifiés. La réalisation s’attache notamment à montrer que, poussées par un besoin de reconnaissance, ces personnes
ont été conduites à publier sur internet du contenu contraire à la loi ou à la morale islamique et représentant un danger pour les
«valeurs familiales» et la société. S’emparant du sujet, le quotidien «Haft-e Sobh», proche des conservateurs, a publié dimanche la
retranscription de certaines de ces «interviews», en identifiant par leur prénom 4 des personnes interrogées. Le journal affirme qu’il
s’agit de «stars» iraniennes d’Instagram, qu’elles ont été arrêtées par la police à une date inconnue puis remises en liberté. L’une des
«repenties» du film, identifiée comme étant Maedeh Hojabri, aurait été reconnue par nombre de ses «fans» en ligne, a par la suite
affirmé le quotidien réformateur «Etemad». La jeune femme qui aurait 18 ans se serait fait connaître sur Instagram -rare réseau
social international non bloqué ou filtré en Iran- notamment pour ses vidéos la montrant en train de danser dans sa chambre sur de la
variété iranienne ou de la pop internationale. Dans ces clips, la danseuse ne porte pas de voile et laisse apparaître son nombril ainsi
qu’un tatouage à la hanche. «Etemad» identifie Maedeh Hojabri comme la personne finissant par admettre, en pleurs dans le
documentaire, que «danser était un crime». La loi en vigueur en Iran depuis la révolution islamique de 1979 interdit la danse en
public et impose aux femmes de porter le voile et de couvrir leur corps d’un vêtement long dans l’espace public. Et le présentateur
lors de la diffusion du film ne se prive pas de donner son avis: «Sur Instagram, il y a des gens comme vous et vos amis qui (…)
publient des photos choquantes pour la majorité des Iraniens», accuse-t-il. Tandis qu’«Etemad» dénonçait, mardi, cette diffusion sur
la TV d’État en titrant «La mauvaise voie d’Irib», la controverse a pris de l’ampleur avec l’affirmation par «Haft-e Sobh» que le film
était l’oeuvre… de la police. Faisant allusion à des scandales de corruption ou de violences sexuelles sur mineurs dont les
responsables n’ont pas été jugés, «Etemad» s’est interrogé sur les choix éditoriaux d’«Irib». Le journal cite aussi Hesamodin Ashna,
conseiller du président Hassan Rohani, laissant entendre que le «consentement» des intervenants dans le film n’a peut-être pas été
correctement recueilli. «Pendant des siècles, les gens ont dansé ou se sont trouvés nus (…) sans que la religion ait à en souffrir (…).
Ce qui nuit à la religion et à la foi, et détruit le système (de la République islamique), ce n’est pas le dandinement des hanches d’une
adolescente, mais le dérapage de la plume d’un vieux juge», a renchéri sur son compte Instagram l’hodjatoleslam (rang inférieur à
ayatollah au sein du clergé chiite) Mohammad Reza Zaeri, ancien rédacteur en chef du quotidien populaire «Hamshahri». Justifiant
la programmation du film dans les colonnes de «Haft-e Sobh», le directeur général des relations publiques d’«Irib», Mohammad
Hossein Ranjbaran, a lui argué que sa chaîne se devait «d’être active dans le domaine de la culture». La polémique se fait entendre
aussi sur les réseaux sociaux, notamment Twitter. Sous le mot-dièse «#Beraghs_ta_Beraghsim» («Danse et nous danserons» en
persan), ou #DancingIsNotACrime («Danser n’est pas un crime» en anglais) fleurissent des vidéos d’utilisateurs se filmant en train
de remuer seuls ou en groupe pour revendiquer leur liberté de danser.