La fiction française, bien pâle devant l’offre étrangère, s’apprête à accueillir Netflix

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Peu diversifiée, pas assez audacieuse, la fiction française paraît bien pâle devant l’offre étrangère et doit se préparer à l’arrivée du leader mondial de la vidéo en ligne Netflix, estiment les professionnels du secteur, qui se retrouvent à partir de jeudi à La Rochelle. «Il n’y a pas de catégorie «comédie» cette année. On ne rigole pas beaucoup en ce moment … De façon générale, il y a moins de diversité ces dernières années». Le commentaire laconique de Quentin Raspail, président du festival de fiction TV, fait sourire certains professionnels et grincer des dents les diffuseurs. «Les chaînes ont besoin de se rassurer avec un public âgé majoritaire», regrette Bénédicte Lesage, responsable de la commission fiction au syndicat des producteurs indépendants (Spi). «Même le service public revendique l’adaptation de formats : la logique de demande des chaînes va a contrario de la logique de l’offre des créateurs, on refait quelque chose qui a déjà existé». La productrice dénonce une «peur viscérale de tout ce qui fâche». Selon Thomas Anargyros, président de l’Union syndicale de la production audiovisuelle (Upsa), et producteur chez Europacorp, la société de Luc Besson,  «les diffuseurs français craignent de proposer des films qui reflètent la société comme elle est. On est à travers un prisme angélique, même quand on n’est pas dans la comédie, pour rendre la vie plus jolie». «Le spectateur est beaucoup plus adulte que ça, en particulier les jeunes, qui sont ceux qui regardent de moins en moins la télévision», poursuit-il, citant l’exemple du thriller britannique «Broadchurch» : «France 2 l’a diffusé avec succès, va l’adapter en français. Je ne pense pas qu’ils l’auraient pris si un producteur leur avait proposé un sujet original de ce type-là». Jimmy Desmarais, de «Haut et court», qui a produit «Les Revenants» vendu dans 70 pays, reconnaît que «les chaînes anglaises ont plus de curiosité : on sent une compétition entre elles pour trouver les meilleurs programmes». Y aurait-il des thèmes interdits ? Non, rétorque Thierry Sorel, directeur des programmes de fiction à France 2 qui dit ne pas craindre les sujets difficiles comme «la pédophilie dans les églises, violences conjugales, l’analphabétisme, l’autisme». Le responsable reconnaît des «contraintes» : «le Prime Time a une législation sur ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire, quoi qu’on veuille, avec un niveau de budget, avec un registre de public et une ambition minimum de parler à 3 millions de téléspectateurs». Et de juger une comparaison avec les séries du câble américain peu appropriée. Laurence Bachman, DGA de Telfrance («Plus belle la vie»), vice-présidente de la commission fiction à l’Upsa,  attribue le problème au volume de production : «on ne fait pas assez de séries, on manque de cases, d’Access, de 2èmes parties de soirée (…) on est tous frileux, parce qu’on cherche les fictions qui marchent tout le temps, or l’innovation, ça passe par des échecs, des erreurs». 

Pour certains, le redouté Netflix pourrait changer la donne. «Profitons de l’arrivée de Netflix pour renouveler notre écriture et notre proposition», lance Bénédicte Lesage, du Spi. Puisque le mastodonte de la VOD s’adresse à «un public plus jeune, qui regarde moins la télévision», la productrice estime qu’il faut reconquérir «ce public en-dessous de la cinquantaine».