L’intelligence artificielle se met à la musique

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Les ordinateurs ne rempliront peut-être jamais les stades pour un concert de rock mais ils sont déjà capables de composer de la musique, et de manière plutôt convaincante, selon une démonstration effectuée au festival South by Southwest à Austin (Texas).En réalité, un album entier a déjà été conçu avec l’aide d’une intelligence artificielle (IA), «I am AI», publié à l’automne par Taryn Southern, comédienne et chanteuse mais qui ne sait jouer d’aucun instrument. «Pour ma première chanson, j’ai éprouvé beaucoup de difficultés: j’écrivais les paroles, j’avais la mélodie, mais c’était dur de composer la musique», explique la jeune femme lors d’une rencontre organisée à South by Southwest, festival à la confluence du cinéma, de la musique et de l’innovation technologique. «Il y a deux ans, j’ai entendu parler de musique par IA et j’ai demandé à tester Amper: en deux jours, j’avais composé une chanson dont j’avais le sentiment qu’elle venait de moi», assure Taryn Southern. Fondé en 2014 à New York par un groupe d’ingénieurs et de musiciens, Amper fait partie de la dizaine de start-ups développant les usages de l’intelligence artificielle pour la musique. Son PDG et co-fondateur Drew Silverstein ne prétend pas pour autant détrôner les compositeurs humains. Amper s’appuie d’ailleurs sur une énorme base de données musicales pour créer ses morceaux, relève-t-il. L’idée «est de permettre à tout le monde de s’exprimer à travers la musique, quels que soient son profil et ses compétences». A l’aide d’une interface assez simple, l’utilisateur définit un genre musical (rap, folk, pop…), une ambiance (joyeux, triste, énergique…) et une durée. La machine lui propose alors un morceau, dont il peut ensuite faire varier à volonté un grand nombre de paramètres: instruments, rythme, tonalité, etc. «Pop corporate tender», «Hip hop Trap sad»: tel quel, le résultat des expériences menées en public à Austin n’a certes rien d’un tube planétaire mais est plaisant à l’oreille. Et il est surtout immédiatement utilisable pour une musique d’ambiance illustrant une vidéo ou un jeu vidéo, sans aucun droit d’auteur. Ce que chez Amper on appelle «musique fonctionnelle» par opposition à la «musique artistique».Taryn Southern insiste sur le fait qu’elle a beaucoup retravaillé les musiques produites via Amper, jusqu’à soixante versions différentes. «Pour moi, c’est juste un outil que je peux utiliser dans mon processus créatif: c’est encore moi la patronne», lance-t-elle. «L’IA m’a forcée à  sortir de ma base créative, avec des résultats inattendus». Elle reconnaît toutefois avoir eu peur d’être «massacrée» lorsque son album est sorti mais rappelle que les nouvelles technologies dans la musique ont toujours été critiquées au début avant de devenir monnaie courante, comme les synthétiseurs ou les logiciels permettant de chanter juste. «Je pense qu’on va entendre prochainement beaucoup de musique composée par des ordinateurs, et il n’y a rien de mal à ça. Mais les ordinateurs ne sont pas créatifs, ce sont des 0 et des 1. La poésie générée par ordinateurs est vraiment horrible!», lance Jay Boisseau, expert en intelligence artificielle et super-calculateurs travaillant pour Dell. Pour Lance Weiler, écrivain et cinéaste américain utilisant l’IA pour enrichir ses oeuvres, «c’est la collaboration entre une machine et l’artiste qui est importante, ça permet d’améliorer la façon dont vous exprimez votre propre créativité». Mais pour lui non plus, la machine ne pourra pas créer seule: «L’IA finit toujours par échouer quelque part (…) C’est comme interagir avec un jeune enfant capricieux, il faut mettre en place des procédures pour qu’il ne se fasse pas mal!», sourit-il. «L’IA est bonne pour toutes les tâches objectives, ce à quoi on peut répondre par oui ou non: conduire une voiture de manière sûre, reconnaître un visage. Pour une expérience artistique, c’est différent et ça ne sera pas parfait», souligne Drew Silverstein.