Loi numérique: l’Assemblée rejette tout projet d’un statut pour les «domaines communs»

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L’Assemblée nationale a rejeté jeudi plusieurs propositions de députés de tous bords de créer, via le projet de loi sur le numérique, un statut pour les «domaines communs», des contenus librement accessibles. La secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire a indiqué qu’un conseiller d’Etat allait être missionné pour travailler sur la question. L’écologiste Isabelle Attard, les socialistes Christian Paul et Delphine Batho, ainsi qu’André Chassaigne, chef de file des députés Front de gauche, ont défendu en vain des amendements visant à définir un «domaine commun informationnel», dont l’usage serait commun à tous et ne pouvant faire l’objet d’une exclusivité. Il s’agirait notamment d’oeuvres tombées dans le domaine public ou de faits, idées, méthodes et découvertes dont les ayants droit concèdent certains droits. Ces députés reprenaient l’idée avancée notamment par une dizaine d’associations de défense des contenus libres de droits, comme Wikimédia France, le Conseil national du numérique et La Quadrature du Net. Assurant «ne pas toucher aux droits d’auteur», Mme Attard a affirmé mener un «combat pour la justice» et contre «le vol». Cette élue du Calvados est très active sur ce front: avec un universitaire français, elle a mis en ligne le 1er janvier «Le Journal d’Anne Frank» dans sa version néerlandaise, estimant que cette oeuvre est tombée dans le domaine public, ce que conteste le Fonds détenant les droits du livre. Déplorant de vivre «dans une société où l’appropriation pour faire du profit n’a plus de limite», M. Chassaigne s’est exclamé: «Si ça continue, ils vont nous faire payer l’air qu’on respire!». «La bataille des «communs», la gauche la mène depuis des décennies dans beaucoup de domaines», a aussi fait valoir M. Paul, défendant «un choix de civilisation», évoquant «le déploiement d’influences puissantes» pour empêcher le gouvernement d’avancer sur ce point. «En 1789 quand il s’agissait d’écrire la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, on n’a pas confié une mission à deux conseillers d’Etat», a raillé cet élu de la Nièvre. Favorables à l’inscription dans le projet de loi de la notion de «communs», les députés Les Républicains ont jugé «fortement hypothétique» l’éventuelle future traduction législative des travaux de cette mission. «Vous avez compris mon entêtement» pour faire avancer le sujet, a lancé Mme Lemaire, alors que l’avant-projet de loi comportait une définition du «domaine commun informationnel», supprimée ensuite. «L’expertise juridique n’est pas mûre», a-t-elle argumenté.