C’était l’homme d’une interview choc, celle dans laquelle la princesse Diana a révélé le délitement de son mariage avec le prince Charles. Mais le journaliste Martin Bashir est désormais irrémédiablement frappé du sceau de la tromperie qui lui a permis de décrocher ce scoop mondial. L’interview, diffusée en 1995 sur la BBC et regardée par 22,8 millions de Britanniques, avait fait l’effet d’une bombe. Vingt-cinq ans plus tard, elle fait encore parler d’elle, la BBC présentant ses excuses après la publication d’un rapport étrillant les méthodes «trompeuses» du journaliste, qui a falsifié des documents pour l’obtenir. Le frère de Lady Di Charles Spencer affirme que Martin Bashir, aujourd’hui âgé de 58 ans, lui avait montré des relevés de compte -qui se sont révélés faux- prouvant que les services de sécurité payaient deux personnes à la Cour pour espionner sa soeur. «Si je n’avais pas vu ces relevés, je n’aurais jamais présenté Bashir à ma soeur», écrivait-il dans une lettre à la BBC. Mais l’interview, l’un des plus grands scoops du XXe siècle, a bel et bien eu lieu, levant le voile sur la vie intime de la famille royale. Martin Bashir, né à Londres en 1963 de parents pakistanais, peut se targuer d’avoir dans son panthéon d’interviews marquantes celles de Louise Woodward -une jeune nounou britannique condamnée aux États-Unis pour homicide involontaire après la mort d’un bébé qu’elle gardait- ou encore des 5 suspects accusés d’avoir assassiné en 1995 pour des motivations à caractère raciste l’adolescent noir Stephen Lawrence. Mais son dernier gros coup pour la télévision britannique reste le documentaire réalisé en 2003 pour ITV sur Michael Jackson, qui a, selon son manager, lentement conduit à la mort du Roi de la pop, survenue en 2009 par overdose de médicaments. Impressionné par l’interview de Diana, l’illusionniste Uri Geller avait suggéré à son ami Michael Jackson de répondre aux questions de Martin Bashir pour améliorer son image, ternie par les 1ères rumeurs concernant des agressions sexuelles d’enfants. Loin de redorer son blason, «Living with Michael Jackson» a brossé à 14 millions de téléspectateurs britanniques et 38 millions d’Américains le portrait d’un solitaire troublé. Le chanteur s’était alors plaint auprès du régulateur audiovisuel britannique, accusant Martin Bashir d’avoir donné une image déformée de son comportement et de sa conduite en tant que père. «Ça l’a tué», a affirmé Dieter Wiesner, l’ex-manager de Michael Jackson, «Il a mis beaucoup de temps à mourir, mais ça a commencé cette nuit-là. Avant, les médicaments étaient une béquille, après, ils sont devenus une nécessité». «Choqué et triste» à l’annonce de sa mort, Martin Bashir était déjà installé à ce moment-là aux États-Unis, où il travaillait pour des chaines de télévision comme ABC, NBC et MSNBC, souvent suivi par des controverses. En 2008, le journaliste est suspendu de l’émission d’actualité d’ABC, «Nightline», pour avoir tenu des propos «grossiers et sexistes» sur une collègue, dans un discours à un diner organisé par l’Association des journalistes américano-asiatiques. Cinq ans plus tard, il est suspendu puis démissionne de MSNBC pour des propos offensants sur Sarah Palin. Tandis que la co-listière du républicain John McCain pour la présidentielle de 2008 avait comparé la dette fédérale américaine à l’esclavage, le journaliste avait réagi en la qualifiant d’«idiote de classe mondiale», suggérant qu’elle méritait qu’on lui défèque dans la bouche. Après ces épisodes, Martin Bashir est revenu au Royaume-Uni, prenant à partir de 2016 la tête du service religieux de la BBC, qu’il a quitté tout récemment après des problèmes de santé.