Montagne: production d’images tout aussi époustouflantes mais plus responsables

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En 1ère ligne face à la détérioration de leur terrain de jeu liée au réchauffement climatique, les accros des sports de glisse en montagne revoient leur copie sur la production d’images époustouflantes dans la poudreuse. L’hélicoptère n’est plus le bienvenu et l’aventure se vit à la maison. La tendance, observée depuis 5 ans, a été particulièrement remarquée lors du festival «We love pow pow», avec les 7 films retenus pour une tournée dans des salles françaises mais aussi projetés lors d’une soirée digitale en décembre. «La tendance vers des films plus responsables se confirme. Il y a quelques années ils allaient chercher un maximum d’images spectaculaires, peu importe les moyens. Aujourd’hui les moyens importent presque plus que le résultat final. Ca rend les films très concrets, très réels, on peut se projeter sur ces films-là», relève Edouard Pierson, directeur du festival, qui évoque un changement important en Europe. «En Amérique du nord, on utilise beaucoup les motos-neige, pour se balader, monter. Nous, on a pris le virage du ski de randonnée, c’est fort dans tous les films maintenant. La dépose hélico ne se fait quasiment plus», poursuit-il. Le skieur Léo Taillefer, freerider engagé pour la sauvegarde de la montagne, a présenté lors du festival son dernier opus, «Home Lines», un voyage en mode campeur dans un massif proche de chez lui, le Beaufortain. En 2017, il s’était rendu en Alaska avec son compère, le snowboarder Thomas Delfino, pour un projet sensationnel: rider Storm Troopers, cette face connue comme l’une des plus raides du monde, interdite de survol tant elle est dangereuse. «On a grimpé à la force de nos petites jambes! Ça nous a pris 17 jours en tout pour ce projet. Si on avait dû se faire déposer vraiment dessus en hélico, ça se serait fait en une heure», raconte Taillefer, qui a vu la demande du public évoluer: «Ils préfèrent voir quand on se met dans le rouge dans une aventure, ils veulent nous voir mouiller le maillot plus à la montée qu’à la descente!». Pour le skieur de 32 ans, il reste encore quelques maisons de production riches qui font appel aux hélicoptères y compris pour faire des images, mais elles tendent à se raréfier. «L’héliski, c’était il y a dix ans», souligne Ben Buratti, skieur de 23 ans et auteur du film «Write your line». «Mes partenaires aujourd’hui ne me financeront jamais un projet où j’irais faire de l’hélico en Alaska. Pour un athlète qui est freerider ou axé rando, l’héliski n’est pas concevable. Ce n’est pas du tout dans la vision des jeunes». Confinement oblige, le gamin de la Clusaz a redécouvert l’année dernière ses montagnes. «Tu te rends compte qu’il n’y a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour trouver des belles lignes et faire des belles images. Chez toi, il y a tout ce qu’il faut !», glisse Buratti, également présent dans le film «Roots», qui propose des images d’une vingtaine de riders, chacun dans son pays. «Ça permet de capter des images dans le monde entier. Ce n’est plus forcément des Canadiens qui vont aller au Japon et inversement. On a aussi des riders qui refusent de voyager désormais, qui ont pris des engagements environnementaux et qui choisissent des partenaires qui les accompagnent dans ce domaine-là», commente Edouard Pierson. Double championne du monde de ski freeride, la Suissesse Elisabeth Gerritzen reconnaît que par facilité, elle partait à l’autre bout du monde pour réaliser ses projets vidéo. «J’ai grandi en regardant des films de ski et ce qu’on nous montrait c’était l’Alaska, les forêts au Canada. Alors tu te dis: si j’ai envie de faire un film c’est là qu’il faut aller. On nous montre pas l’envers du décor. Je suis trop contente que ce soit un truc qui ait pris, ça va devenir une nouvelle norme. C’est même devenu assez critiquable de montrer un rider américain et une rideuse suisse se retrouver au Japon», explique la sportive de 26 ans, également présente dans le film «Roots».