Paramount+ : le documentaire «Milli Vanilli» décrypte l’histoire du groupe

440

Le duo ne chantait pas sur son disque-blockbuster: «Milli Vanilli», documentaire diffusé à partir de mercredi sur la plateforme Paramount», décrypte l’histoire de ce groupe, bouc émissaire parfait d’une industrie musicale première coupable dans cette supercherie. «On voit enfin toutes les strates, en ne s’arrêtant pas à «Rob et Fab, ils ont menti»», se réjouit Fab Morvan, un des deux non-interprètes cloués au pilori quand le stratagème fut dévoilé il y a un peu plus de 30 ans. Rob Pilatus, autre figure du tandem obligé de rendre en 1990 le Grammy (récompense musicale suprême aux USA) gagné cette année-là, est décédé en 1998, tombé dans la drogue dure et longtemps désigné, aux côtés de son ami, comme les seuls méchants de l’histoire. «Du jour au lendemain, on est devenu des lépreux», raconte le survivant, Parisien de racines guadeloupéennes, 57 ans, désormais établi à Amsterdam, père de 4 enfants et qui n’a jamais arrêté la musique. Rappel pour les plus jeunes: les Milli Vanilli déboulent dans le paysage de la pop en 1988 portés par le tube «Girl You Know It’s True», dans l’écurie de Frank Farian, faiseur allemand de tubes déjà responsable du succès de Boney M. Plastique impeccable, belles gueules, danseurs hors-pair, dreadlocks dans le vent, ces nouvelles stars courent dès lors les plateaux télé. Tout tient du conte du fées pour la paire, qui s’est rencontrée à Munich – d’où est originaire Pilatus – et qui vivotait jusqu’alors comme danseurs pour des shows télé ou mannequins occasionnels. La révélation du scandale est une onde de choc mondiale. Dans ce documentaire (1h40) du réalisateur Luke Korem, on revoit une conférence de presse surréaliste, quand les Milli Vanilli tentent de s’expliquer. Morvan est prostré et Pilatus ne peut argumenter, acculé par des relances agressives. Quand il suggère un pacte avec le diable pour s’extraire de leur condition modeste, un journaliste aboie: «votre talent aurait suffi pour vous en sortir !». «C’est bien une remarque d’un mec blanc ça», lâche lucidement quelqu’un hors-champ. Il ressort du film un racisme sous-jacent, comme l’établit le critique musical américain Hanif Abdurraqib. Leur public, en majorité blanc, n’a pas supporté d’avoir été floué par deux artistes noirs. Pour mettre fin au suspense, Morvan chante très bien, y compris a cappella si on lui demande. Farian, qui refuse de s’exprimer dans le documentaire, reprochait leurs accents bavarois pour Pilatus et français pour Morvan, comme le raconte l’assistante et ex-amante du producteur, Ingrid Segieth, qui témoigne dans le film. Il enregistre donc les titres avec des doublures-voix – chanteurs présents dans le documentaire -, tandis que Morvan et Pilatus signent un contrat sans le lire. «On était trop naïfs», rembobine le survivant. Le piège se referme. Le duo prend goût au succès, à une vie jet-set – «on était bien dans ce bain chaud», décrit aujourd’hui le Français – et s’enlise dans la duplicité. Mais, comme le dit Morvan dans le film: «le mensonge prend l’ascenseur quand la vérité monte les escaliers». Le documentaire «Milli Vanilli» rétablit l’échelle des responsabilités, avec au 1er rang Farian, puis les responsables de la maison de disques Arista, qui, comme le dit l’un d’entre eux, connaissait la vérité a minima six mois avant le Grammy. Et maintenant? Il y a déjà une 1ère victoire. «Les jeunes, à la fin des projections-tests, disent à propos de Rob et moi: «mais qu’est-ce qu’ils ont fait de mal ?» Oh putain, l’époque a changé», se réjouit Morvan. «Si je peux en sortir en tant qu’artiste nouveau, je suis prêt, j’ai tellement de musique prête». A la fin de l’interview, le quinquagénaire toujours athlétique donne l’accolade et lance: «on se revoit quand je sors un single ?»