Réforme du droit d’auteur: les eurodéputés soutiennent l’industrie du cinéma

897

Les eurodéputés ont défendu mardi les positions d’une grande partie de l’industrie cinématographique de l’UE, inquiète du financement futur de ses créations, en prônant une réforme limitée du droit d’auteur pour la diffusion de programmes en ligne. Une grande majorité du Parlement européen a rejeté l’essentiel de la proposition de la Commission européenne, faite en septembre 2016 et destinée à faciliter la diffusion transfrontière de programmes en ligne. Le projet de l’exécutif européen prévoyait que dès lors qu’une chaîne disposait d’un droit d’exploitation pour un contenu dans le pays européen où elle est présente, elle pouvait le rendre accessible sur le net partout ailleurs dans l’UE, en accord avec les ayants-droit. Les eurodéputés ont limité la réforme aux bulletins d’informations et aux documentaires d’actualités, déjà plus ou moins accessibles en ligne, laissant de côté les films.
Actuellement, les chaînes européennes de télévision mettent à disposition sur leur site internet une grande variété de programmes en direct ou en différé, mais ces derniers ne sont généralement accessibles sur le net que dans le pays d’origine de la chaîne. Une série produite par une chaîne de TV ou qui en a acquis l’exclusivité peut être éventuellement revendue dans un autre pays européen, ce qui permet à celui qui en a financé la création d’en tirer des revenus. Et c’est précisément pour cette raison que l’industrie du cinéma s’inquiétait de cette réforme. Pour l’eurodéputé français de droite (PPE), Marc Joulaud, «la Commission européenne souhaitait remettre en cause la territorialité du droit d’auteur, fondement du financement audiovisuel qui permet aux créateurs d’obtenir des préfinancements en échange des droits de diffusion pays par pays». «Supprimer la territorialité des droits au profit d’une licence paneuropéenne par défaut aurait abouti non seulement à une perte de financement de plus de 9 milliards d’euros pour la production culturelle, mais elle aurait en plus forcé les consommateurs à payer plus cher pour moins de contenus», a-t-il ajouté.Le vice-président de la Commission européenne Andrus Ansip, père de la réforme, s’est dit «déçu» de la décision des eurodéputés: «J’ai l’impression que l’on vit toujours au 20ème siècle», a commenté le commissaire estonien sur Twitter. Même regret de la part du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc): «Les consommateurs ont le droit d’avoir un accès transfrontalier plus large, pas uniquement pour les programmes d’informations».
Après le vote en plénière au Parlement européen, doivent commencer les négociations du trilogue, comme on les appelle dans le jargon européen, c’est-à-dire entre les représentants du Parlement, de la Commission européenne et du Conseil pour arriver à une solution de compromis. Au Conseil, l’Estonie, qui assure jusqu’à la fin de l’année la présidence de l’UE, a mis sur la table une proposition pour les 28 Etats membres réduisant considérablement le champ d’application de la réforme en excluant notamment le sport. La France, l’Espagne et l’Italie prônent une réforme qui tienne compte des réserves de l’industrie cinématographique, alors que les Pays-Bas et la Finlande, par exemple, plaident pour faire tomber les frontières. La Fédération Européenne des Réalisateurs de l’Audiovisuel (FERA) a appelé «les Etats membres à suivre les traces du Parlement».