Soupçons d’espionnage: un homme d’affaires grec refuse d’être extradé aux Etats-Unis

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Un homme d’affaires grec, Nikolaos Bogonikolos, arrêté en France en mai, refuse d’être extradé aux Etats-Unis, qui l’accusent d’avoir illégalement exporté entre 2017 et 2023 des technologies à usage militaire et civile vers la Russie, ce qu’il conteste. Nikolaos Bogonikolos, 60 ans, avait été arrêté en France le 9 mai sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par les Etats-Unis le 2 mai et complété 20 jours plus tard par un acte d’accusation. Il a été placé sous écrou extraditionnel et refuse d’être remis aux autorités américaines. «Les Américains n’ont aucune preuve», avait-il considéré lors d’une audience devant la chambre des extraditions de la cour d’appel de Paris le 6 octobre. Six infractions lui sont reprochées dont «complot en vue de frauder les Etats-Unis et de violer la loi sur la réforme du contrôle des exportations, complot de blanchiment d’argent et contrebande de marchandises provenant des Etats-Unis», avait détaillé le président. Sept autres personnes sont impliquées dans cette affaire portant sur 16 chefs d’accusation, selon le juge. «Je suis un commerçant, je travaille avec les Etats-Unis et j’ai travaillé avec de grands groupes comme Dassault. Je n’ai jamais eu de problèmes», s’était défendu M. Bogonikolos, qui encourt vingt ans de prison. «Tout en opérant ostensiblement en tant que sous-contractant dans le domaine de la défense pour l’Otan et d’autres alliés», M. Bogonikolos, avec sa société Aratos Group, «menait un double jeu, en aidant l’effort de guerre de la Russie et le développement de la prochaine génération d’armements», avait relaté dans un communiqué en mai le procureur fédéral du district Est de l’Etat de New York, Breon Peace. D’après lui, M. Bogonikolos a «conspiré avec un réseau de sociétés orchestrées par les services de renseignement russes pour acquérir frauduleusement et faire entrer en contrebande» en Russie des technologies militaires et civiles américaines. M. Bogonikolos est soupçonné d’avoir été recruté comme agent d’approvisionnement pour l’entreprise de vente de machines et d’équipements russe Serniya. Pour acquérir et exporter des «composants électroniques sophistiqués» dont certains sont aussi utilisés pour l’informatique quantique et la recherche nucléaire, le réseau a «multiplié les transactions en utilisant des sociétés écrans et des comptes bancaires dans des pays à travers le monde», avait rappelé le magistrat parisien en s’appuyant sur l’acte d’accusation américain. L’équipe est accusée d’avoir obtenu de sociétés américaines de fausses déclarations sur les exportations et d’avoir ainsi contourné les sanctions émises par les Etats-Unis et des pays occidentaux pour acquérir ou faire acquérir des technologies sensibles, a-t-il poursuivi. Pour son avocate, Me Georgia Kouvela, les accusations de «conspiration et d’espionnage», qui relèvent de l’atteinte aux intérêts d’une nation, donnent une coloration politique à la demande des Etats-Unis et rendent impossible son extradition. «Si vous le remettez aux Etats-Unis, il ne reverra plus la lumière du jour», avait-elle plaidé, craignant que son client soit condamné à «la prison à vie de façon formelle ou informelle». «Si la cour ne fait que du droit, elle ne peut que le libérer», avait-elle estimé. De son côté, l’avocat général s’était dit «favorable à la demande d’extradition» mais avait sollicité de la justice américaine des «précisions complémentaires» sur le rôle de M. Bogonikolos dans le réseau de contrebande. Mercredi, la chambre des extraditions a demandé aux Etats-Unis un complément d’information pour s’assurer que les peines au-delà de 20 ans peuvent être aménagées. Même si M. Bogonikolos encourt 20 ans de prison, «la loi permet que le juge (américain) prononce une peine supérieure», a souligné le président. Une nouvelle audience est prévue le 29 novembre.