T. MARRO (Memento) : «Produire de la fiction de qualité dans un documentaire, c’est un défi»

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Memento est une société audiovisuelle créée en 1999. Son activité principale est la production de documentaires, de fictions et de contenus destinés aux nouveaux médias. Entretien avec Thierry MARRO, Directeur général & Producteur chez Memento.

MEDIA +

Les mercredis 22 et 29 mars, CANAL+ diffuse la création documentaire «Air Cocaïne» (4X52’) coproduite par Memento et Broadster. Quelle est l’origine du projet ?

Thierry MARRO

Aurélien Combelles, producteur chez Broaster est venu nous proposer le projet «Air Cocaïne» dans la mesure où nous avions déjà produit quelques documentaires sur le trafic de stupéfiants. On avait également collaboré ensemble il y a quelques années sur le documentaire «Lady Gaga by Gauthier». Spontanément, je lui ai dit «oui» pour raconter «Air Cocaïne» en documentaire, dix ans après les faits. Pour rappel, le 20 mars 2013, un jet privé sur le point de décoller de l’aéroport de Punta Cana en République Dominicaine, est arraisonné de façon spectaculaire par les stups dominicains. À son bord : 26 valises remplies de 700 kilos de cocaïne, deux anciens pilotes de chasse de la Marine, un apporteur d’affaires et un troublant passager. C’est le point de départ de cette affaire rocambolesque. CANAL+ a acté le développement et on a commencé à travailler dessus pendant 18 mois. Le format de 4X52’ s’est imposé assez naturellement. Nous avons avancé main dans la main avec CANAL+ pendant cette période.

MEDIA +

Quelles sont les plus grosses contraintes rencontrées sur cette production documentaire ?

Thierry MARRO

Convaincre les interlocuteurs de participer au programme. Certains ne voulaient pas revenir dessus. On a donc passé beaucoup de temps à leur expliquer notre démarche, ce que nous voulions faire. Il a fallu leur faire comprendre que nous n’étions ni la justice, ni la police. Notre but n’était pas de (re)juger. Nous avons disposé d’un budget d’1,4 M€ (CANAL+, CNC, Région Ile-de-France, SOFICA SOFITVCINE, Studiocanal) pour produire une série documentaire spectaculaire et très rythmée aux nombreux rebondissements, racontée pour la première fois par l’organisateur de l’affaire et l’ensemble de ses protagonistes.

MEDIA +

Ces budgets ressemblent-ils de plus en plus à ce que les plateformes investissent ?

Thierry MARRO

C’est exact ! Et cela nous permet de produire des programmes à forte valeur ajoutée. Disposer de ce type de budget permet aussi d’avoir du temps d’enquête, du temps consacré à la construction de la narration, et du temps pour aller chercher des interlocuteurs qui n’apparaîtront pas nécessairement dans le film. On raconte «Air Cocaïne» avec beaucoup de fictions car il a fallu illustrer une partie conséquente de l’histoire, à savoir tout ce qui n’a pas été médiatisé.

MEDIA +

L’apport de la fiction se généralise-t-il dans le documentaire ?

Thierry MARRO

Produire une fiction de qualité dans un documentaire, c’est un défi. Car dans la plupart des docu-fictions, les scènes rejouées sont parfois déceptives. Voilà pourquoi, on a investi du temps et de l’argent pour rendre la fiction accessible au grand public avec de l’action et des retournements de situation. Le thème le permettait aussi. La fiction permet au spectateur de mieux visualiser l’histoire. On essaie d’incarner les personnages. Après, tous les documentaires ne se prêtent pas à une forme fictionnée. Pour la case «Le monde en face» sur France 5, nous avons coproduit début mars avec Bien Média, «L’amour vache» d’Édouard Bergeon sur le monde agricole et ses difficultés (docu dispo sur France.tv). Typiquement, on ne peut pas mettre de fiction partout.

MEDIA +

Depuis 25 ans, Memento s’est spécialisée dans le documentaire et la fiction. Quels sont vos projets actuels?

Thierry MARRO

On travaille avec CANAL+ Docs sur un film consacré à la prise d’otage du Ponant, un voilier trois-mâts de croisière dans les eaux somaliennes. Nous travaillons également avec CANAL+ sur la nouvelle saison de «Opérations spéciales», une série qui raconte des opérations généralement méconnues du grand public, par ceux qui y ont participé. C’est assez spectaculaire et surtout très humain. Avec ARTE, nous travaillons sur deux Théma dont l’une sur la cyber-pédocriminalité, et l’autre sur l’histoire d’un rappeur birman à la vie hors norme. Enfin, nous terminons pour National Geographic un documentaire revenant sur la canicule de 2003, prémonitoire de ce qui se passe actuellement.