TV/ haut débit : l’Europe veut répartir au mieux l’allocation des ressources hertziennes

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L’ancien directeur de l’OMC, Pascal Lamy, a présenté lundi des propositions pour répartir au mieux à l’échelle européenne des bandes de fréquences hertziennes convoitées à la fois par la télévision et le secteur du haut débit, un sujet crucial alors que l’Europe accuse du retard par rapport à d’autres pays. M. Lamy, ancien commissaire européen et ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, s’était vu confier cette mission en janvier par la commissaire européenne chargée des Télécommunications et des nouvelles technologies, Neelie Kroes.En remettant son rapport lundi, il a résumé son travail comme «une sorte de mission de maintien de la paix entre 2 communautés», celle de la radio-télévision hertzienne et celle du haut débit, qui ont besoin d’utiliser la bande ultra-haute fréquence (UHF), soit de 470 à 790 MHz. L’enjeu consistait à libérer des fréquences pour internet et les services mobiles en général, de plus en plus gourmands en spectre radioélectrique – une ressource limitée -, tout en nuisant le moins possible à la diffusion de la radio et de la télévision. «Nous considérons déjà l’internet rapide comme un acquis, mais cela exige de plus en plus de spectre et nous devons donc l’utiliser plus efficacement», a résumé Mme Kroes au cours d’un point de presse.Preuve de la difficulté de la tâche, M. Lamy a présenté son rapport en son nom seul car des désaccords n’ont pu être résolus entre les représentants des deux secteurs au sein du groupe de travail qu’il présidait. «Ils n’ont pas adhéré à 100% au compromis», a-t-il reconnu. Il propose une démarche en 3 temps: d’ici 2020 – «plus ou moins 2 ans»-, la bande 694-790 MHz, actuellement exploitée par les réseaux de radiodiffusion hertzienne, notamment la TNT devrait être affectée entièrement au haut débit sans fil dans toute l’Europe. Cela ferait perdre aux radiodiffuseurs 30% du spectre dont ils disposent et les obligerait à investir dans des technologies de compression et de transmission plus efficaces. Pour compenser, les fréquences qui resteraient à leur disposition, soit celles inférieures à 694 MHz, seraient préservées pour la radio et la télévision hertziennes jusqu’en 2030, ce qui assurerait à ce secteur la sécurité et la stabilité nécessaires pour mener ces investissements. Un bilan devrait être établi d’ici 2025 pour faire le point sur l’évolution des technologies et du marché. La publication du rapport de M. Lamy a immédiatement suscité des réactions contrastées. La BBC a «salué» le fait que l’abandon du haut du spectre par la radio et la télévision soit compensée par une «garantie» sur leur accès au reste de la bande jusqu’en 2030. Mais l’Union européenne de radio-télévision (UER) s’est montrée plus mitigée. Pour elle, l’horizon de 2020, voire 2018 pour libérer le haut du spectre est trop proche et risque de ne pas laisser assez de temps pour «procéder à la modernisation des réseaux de TNT et de l’équipement grand public requise». A l’inverse, le GSMA, qui représente les intérêts des opérateurs mobiles dans le monde, estime que l’échéance devrait être encore raccourcie «pour rattraper le retard sur l’Amérique du Nord et l’Asie». M. Lamy a rappelé qu’il fallait environ «3 ans entre le moment où l’on prend la décision et la transition effective», et estimé que «l’UE doit décider maintenant», rappelant que la Suède, l’Allemagne ou la France avaient déjà pris les devants. Si l’Europe «ne donne pas à ses opérateurs le parcours nécessaire pour qu’ils investissent dans leurs infrastructures et s’ajustent aux transitions nécessaires, on mettra les opérateurs européens en position de faiblesse», a-t-il insisté. En janvier, il avait souligné que l’Europe était en retard car «les Américains, les Coréens, les Chinois bougent plus vite».