TV : les populations noires encore sous-représentées

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Une plateforme de cinéma «afro», une chaîne «panafricaine» et une autre de porno «black» : si les populations noires trouvent de plus en plus leur place sur certains médias, leur sous-représentation dans des rôles de premier plan reste flagrante sur les chaînes généralistes. Dernière initiative en date, TF1 lancera début mars un service de vidéos à la demande consacré au cinéma «afro», en partenariat avec la plateforme Afrostream, dédiée aux séries et films africains, afro-américains et afro-caribéens. Avant elle – entre autres -, M6 avait créé en 2005 «M6 Music Black», spécialisée dans le rap et R’n’B, fermée depuis janvier. «Télésud», chaîne afro-européenne et panafricaine» basée à Paris, a elle été créée en 1998. Plus insolite, le groupe américain Penthouse, l’un des leaders mondiaux du X, a lancé en septembre une chaîne porno «black» en France, son premier marché pour les télés payantes. 

Pour autant, à travers sa nouvelle plateforme, qui proposera notamment des films africains, TF1 dit vouloir s’adresser davantage aux cinéphiles curieux qu’aux populations «afro». «On n’est pas dans une catégorisation des utilisateurs, on ne cherche pas à viser un public ou un autre», explique Tonjé Bakang, créateur d’Afrostream. Mais pour la sociologue des médias Marie-France Malonga, spécialiste de la représentation des minorités, une telle offre «vise un public noir». D’autant que, dans les médias traditionnels, «lieu de reconnaissance», les populations noires restent sous-représentées, souligne-t-elle. C’est d’ailleurs parce qu’il était lassé de la faible représentation des Noirs dans les médias traditionnels que l’entrepreneur Tonjé Bakang a eu l’idée de créer la plateforme Afrostream, dont le lancement officiel est prévu d’ici cet été. Dans son dernier baromètre de la diversité, le CSA estime à 14% le nombre de personnes «non-blanches» présentes à l’écran. Un chiffre en recul de 2 points par rapport au baromètre 2013, et qui tombe à 11% dans la catégorie «information». Une classification qui inclut les journalistes mais aussi les personnes qui apparaissent dans les sujets traités. «Le problème est plus qualitatif que quantitatif», juge cependant Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), pour qui les «non-blancs» représenteraient 10 à 12% de la  population. «A l’écran, l’Arabe fait peur et le Noir fait rire», déplore-t-il. Aucun n’occupe actuellement le fauteuil d’un grand journal télévisé, et peu tiennent les rôles principaux dans les fictions françaises. 

«Au début des années 2000, il y a eu un débat public et une prise de conscience des responsables de chaîne et des producteurs. La télévision s’est colorée. Il y a eu une évolution notable», note Marie-France Malonga, qui souligne toutefois un «petit relâchement ces dernières années». La sociologue relève des «initiatives, dans les séries et les téléfilms», mais critique le «marketing de la diversité» et les «mesures paillette». Elle pointe elle aussi du doigt la persistance, à l’écran, de certains stéréotypes. «Année après année, on se rend compte que ça bouge très lentement sur la représentation des minorités, notamment des Noirs et des Arabes. Quand on les voit, ils sont quoi ? Ils sont délinquants !», juge plus sévèrement Mémona Hintermann, membre du CSA, où elle préside le groupe de travail «Diversité». «Il existe peu de productions françaises mettant dans les rôles principaux des gens d’origine afro», constate également Tonjé Bakang. Mais lui est plus optimiste : «On fera tout pour les trouver et les mettre sur notre plateforme. AfrostreamVOD pourra être un moyen de diffuser ces films. Peut-être que les producteurs et les distributeurs seront plus enclins à financer ce genre de films», juge-t-il.