5G: la France lance enfin les enchères

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Après le faux départ, le début d’une course de fond dans un contexte électrique: la France, «en retard» dans le déploiement de la 5G au grand dam du gouvernement, lançait mardi l’attribution des 1ères fréquences, qui devrait rapporter plusieurs milliards d’euros à l’Etat. Initialement prévues en avril, mais repoussées en raison de la pandémie de coronavirus, ces enchères doivent permettre aux opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free) d’acquérir 11 «blocs» de fréquences aujourd’hui inutilisés, et ouvrir la voie aux 1ères commercialisations de services 5G dans certaines villes à la fin de l’année. Malgré la défiance d’une partie de l’opinion et les multiples demandes de «moratoire» de plusieurs élus de gauche, le futur réseau mobile sera lancé en France en utilisant d’abord la bande allant de 3,4 à 3,8 gigahertz (GHz) sur le spectre électromagnétique. Les 4 opérateurs ont déjà obtenu chacun un bloc de 50 mégahertz (MHz) dans cette bande de fréquences, au prix fixe de 350 millions d’euros. Avec les 110 MHz supplémentaires mis en jeu, l’État espère encaisser 2,17 milliards d’euros au minimum. Un opérateur ne pourra pas acquérir plus de 100 MHz «pour donner ses chances à chacun», explique le régulateur français des télécoms Arcep, qui encadre les enchères. «Le principe de ces enchères, c’est qu’elles doivent être totalement secrètes (…) Au fond, notre seul objectif, c’est d’apporter la meilleure qualité de service à nos utilisateurs, et de garder cette supériorité dans la qualité du réseau que nous avons depuis dix ans en France», a prévenu lundi Stéphane Richard, PDG d’Orange. La 5G suscite toutefois l’hostilité d’une partie de l’opinion, de responsables politiques et d’associations, qui remettent en question l’intérêt de cette nouvelle technologie pour des raisons sanitaires et environnementales. Les ONG Agir pour l’Environnement, Priartem-Electrosensibles de France et France Nature Environnement ont par exemple annoncé mardi qu’elles saisiraient le Conseil d’Etat en référé-suspension dès que les enchères seraient attribuées. Mais le gouvernement a souhaité maintenir son calendrier, sans attendre un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) prévu en mars 2021, soulignant que la plupart des pays avancés ont déjà attribué ces fréquences. «Tout le monde estime que pour la reprise (économique), pour l’avenir de l’industrie, c’est extrêmement important. C’est important que la France soit dans cette dynamique, notamment dans cette période de crise», a martelé Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique, mardi sur Europe 1. Ce débat politique enflammé, marqué par la menace de plusieurs collectivités locales d’entraver le futur déploiement de la 5G, peut-il avoir un impact sur le comportement des opérateurs lors des enchères? «Cela va changer un peu le rapport de force», estime Guillaume Vaquero, expert télécoms pour le cabinet Wavestone. «On était dans un schéma où l’Arcep exigeait des opérateurs des engagements dans la couverture. Là, les opérateurs peuvent dire: «On est prêt à déployer, mais quelles sont les garanties pour qu’on puisse le faire dans de bonnes conditions?». Car derrière, ce sont des investissements colossaux», ajoute-t-il.

Autre élément à prendre en compte pour les opérateurs, les fortes restrictions sur le géant chinois Huawei, qui vont notamment obliger SFR et Bouygues Telecom à changer d’équipementier (Ericsson, Nokia) pour une grande partie de leur futur réseau et revoir leurs plans d’investissement. La 1ère génération de téléphonie mobile permettait de passer des appels, la 2G d’y ajouter du texte, la 3G de commencer à envoyer des images et la 4G de développer l’internet mobile et les usages vidéo. A terme, la 5G doit accélérer les débits et connecter tout ce qui ne l’est pas actuellement.