Bruxelles veut imposer un nouvel ordre numérique

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Haine en ligne, pratiques anticoncurrentielles et loi du plus fort… «L’internet ne peut rester un Far west», affirme le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, qui présentera mardi de nouvelles régulations européennes avec la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager. Voici les principaux points de leur projet:

  • Haine en ligne et désinformation : L’assassinat en France du professeur Samuel Paty, ciblé sur les réseaux sociaux, a souligné les dangers de l’anarchie numérique. Le Règlement sur les Services Numériques («Digital Services Act» ou DSA) imposera à tous les intermédiaires en ligne de coopérer avec les régulateurs pour retirer des contenus illégaux. Les plus grandes plateformes devront avoir suffisamment de modérateurs pour intervenir rapidement en cas de notification et seront auditées tous les six mois. Chaque Etat membre devra désigner une autorité nationale chargée de réguler les réseaux sociaux et celles-ci seront réunies dans un conseil permanent au niveau européen pour veiller au bon respect des lois en vigueur.
  • Contrefaçons et produits dangereux: La vente sur internet est propice aux arnaques, et les plateformes sont régulièrement montrées du doigt pour le manque de contrôle sur leurs revendeurs. Sous couvert de bonnes affaires, certains écoulent des contrefaçons et des produits bafouant les normes européennes. Le DSA imposera aux vendeurs en ligne de «contrôler l’identité des revendeurs avant de les autoriser sur leur plateforme», a indiqué Mme Vestager. Ils devront bloquer l’accès aux fraudeurs récidivistes.
  • Transparence des algorithmes: Les plus grandes plateformes devront fournir aux autorités «plus d’informations sur le fonctionnement de leurs algorithmes», a expliqué Mme Vestager. Elles «devront nous dire comment elles décident des informations et produits qu’elles nous recommandent, et de ceux qu’elles cachent, et nous donner la possibilité d’influencer ces décisions. Elles devront nous dire qui paye pour les publicités que nous voyons et pourquoi nous avons été ciblés». Cette transparence ciblera aussi des pratiques anti-concurrentielles. Google, par exemple, est accusé de paramétrer son moteur de recherche pour rendre ses offres plus visibles que celles des concurrents.
  • Des règles réservées aux géants : La grande nouveauté sera la création d’interdictions et d’obligations touchant uniquement les acteurs les plus puissants dans le Règlement sur les Marchés Numériques («Digital Market Act» ou DMA), complément du DSA. «Nous allons augmenter le pouvoir de l’UE de réduire les comportements déloyaux des plateformes systémiques pour que l’internet ne profite pas seulement à une poignée de compagnies mais aussi à de nombreuses petites et moyennes entreprises», assure Thierry Breton.La Commission affirme élaborer «des critères quantitatifs et qualitatifs» pour déterminer ces «plateformes systémiques» soumises à des règles spécifiques. La liste inclura une dizaine de groupes, dont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
  • Utilisation des données : «Les personnes qui contrôlent les données, contrôlent les algorithmes et donc la nouvelle économie, a expliqué Alexandre de Streel, professeur de droit à l’Université de Namur, spécialiste du numérique. Si on veut instaurer une concurrence à armes égales, le remède, c’est le partage des données». L’exécutif européen veut interdire aux «plateformes systémiques» de profiter des données de leurs clients business pour les concurrencer, comme Amazon est accusé de le faire avec des revendeurs de sa plateforme. Les plateformes seront aussi contraintes de fournir aux entreprises clientes l’accès aux données qu’elles génèrent. Les plateformes ne pourront plus utiliser des données collectées à travers plusieurs services pour profiler un utilisateur contre son gré.