Cannes se penche sur les victimes du capitalisme

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Cannes se penche sur les victimes du capitalisme : avant le très attendu Ken Loach, jeudi soir en compétition officielle, la Croisette a accueilli les «GM&S» des salariés qui ont tenté de sauver leur entreprise, au coeur du documentaire «On va tout péter». Déjà deux fois couronné par la Palme d’or, le réalisateur britannique de 82 ans revient avec «Sorry We Missed You». Un film qui se penche sur un couple modeste tentant de survivre, alors que le jeune homme enchaîne les jobs mal payés avant de devenir chauffeur-livreur à son compte.

Un «Ken Loach «kenloachien»», a prévenu le délégué général du Festival Thierry Frémaux à propos du réalisateur pourfendeur du capitalisme. Dans la matinée, c’est un autre réalisateur britannique, Lech Kowalski, qui a présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs son documentaire consacré aux ex-salariés GM&S, équipementier automobile d’une région ouvrière française, dont la lutte pour la sauvegarde de leur usine avait fait la Une de l’actualité pendant plusieurs mois, en 2017. Pour l’occasion, une quarantaine d’entre-eux a fait le déplacement sur la Croisette depuis la Creuse (centre) grâce notamment à l’argent récolté avec une cagnotte lancée sur internet.Pendant sept mois, Kowalski les a suivis dans leur lutte pour sauver les 277 emplois de leur usine en décrépitude. Caméra à l’épaule, le réalisateur suit le groupe de salariés qui, jusqu’au bout, fait pression sur le gouvernement et les constructeurs automobiles qui ont délocalisé une partie de la production. «On ne lâche rien, on n’y arrivera qu’ensemble», lance a plusieurs reprises l’un des leaders du mouvement, après les blocages des entrées des usines automobiles. L’annonce d’un repreneur n’offre que peu de répit aux métallurgistes, qui doivent ensuite se battre pour obtenir des indemnités supplémentaires pour les 157 licenciés. Si le couperet est rude pour ces salariés démunis face au silence qui leur est opposé, le film montre aussi des scènes cocasses avec les forces de l’ordre, comme lorsqu’un salarié se met à parler de sa passion pour la pêche à la carpe avec celui qui l’a délogé. «Il était important pour moi de ne pas créer de faux héros d’Hollywood, mais de filmer le maximum de monde possible. Sans le groupe, il n’y avait pas de film», a expliqué Lech Kowalski à l’issue de la projection devant la presse, accompagnés par des salariés de GM&S. Chaudement applaudis à la fin de la projection, les ouvriers, qui avaient revêtu leur blouse de travail, sont montés sur la scène, émus et la gorge nouée. Après avoir remis une palme confectionnée en boulon au cinéaste. Ils en ont profité pour dire que «rien n’avait été fait» pour les licenciés et qu’ils se battraient jusqu’au bout pour ces derniers. Outre la projection du film de Ken Loach, la soirée cannoise sera marquée par la venue d’un autre Britannique illustre, Elton John, présent pour la projection hors compétition du biopic qui lui est consacré : «Rocketman».