Didier Roustan, presque un demi-siècle d’histoires du ballon rond

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Sous le chapeau du reporter-commentateur-chroniqueur Didier Roustan et derrière ses fringues en couleurs, palpitent presque un demi-siècle d’histoires du ballon rond. «Passionné, imprévisible et généreux», selon Carine Galli qui travaille avec lui sur La chaîne L’Equipe, le journaliste revisite à sa façon décousue, par petites pièces de «Puzzle» (Marabout), le titre de son autobiographie, une carrière toujours en cours guidée par un enthousiasme intact à 66 ans. ««Didoune» incarne une autre manière d’envisager le sport, en s’intéressant surtout aux passions qu’il déclenche», décrit Olivier Ménard, maître de cérémonie du talk show «L’Equipe du soir». «Il a des partis pris, ce n’est pas la statue du commandeur qui ne dit plus rien», poursuit celui qui a bombardé Roustan «Président à vie» de son émission. «J’ai un côté dictateur, et anarchiste à la fois», lance, sourire en coin, l’ancien présentateur de Stade 2 (1992-1995). Son regretté ami Gianni Mina, légende du commentaire de foot en Italie, voyait plutôt en lui «un mélange de Garibaldi et du capitaine Fracasse». Du commentaire des matches des Bleus, le Graal de son métier, aux audiences plus modestes de la TNT, sa carrière a connu des hauts et des bas, mais cela ne le dérange pas: «Je ne suis pas touché par le vedettariat, j’ai rapidement pris conscience que les gens ne te connaissent pas mais te voient à travers la télé, les louanges ne s’adressent pas à toi en tant que tel». Didier Roustan a été exposé très tôt. Le Cannois a 18 ans quand il débarque comme stagiaire à la rédaction des sports de TF1, en 1976, où il va se faire une place. «Téléfoot aura été ma chance», dit-il de l’émission culte lancée mi-septembre 1977, où son ton original se démarque des plus anciens. A 21 ans, une rare précocité, il commente le 5 septembre 1979 un Suède-France (1-3) au côté de Pierre Cangioni. Il raconte dans son «Puzzle» tous ces moments, et d’autres, comme cette rencontre organisée entre Diego Maradona et Eric Cantona. Roustan a d’ailleurs formé un percutant duo de commentateurs avec «Eric the King» lors du Mondial-1994. Il est aussi passé par Canal Plus, où «il avait une patte très originale», se souvient Ménard. «C’est un très grand reporter, très poétique, avec un sens particulier de la narration, il fait des parenthèses, chante une chanson…» Roustan a interviewé ses idoles Johan Cruyff et Pelé, ce dernier avec une panthère en studio, et s’est aussi abimé la santé dans la création d’un syndicat mondial des joueurs, l’AIFP de 1995 à 1999. Il en a fait une dépression en 2002: «J’étais un légume», se souvient-il. Mais rien n’a entamé sa passion. «Didier a une façon unique de raconter les histoires, il part dans tous les sens, ça peut durer deux heures et on se prend des fous rires», s’amuse Galli. «Je me vois comme une sorte de conteur africain, moi qui suis né à Brazzaville», abonde le journaliste. Dans son livre, le griot Roustan passe d’une anecdote sur Michel Hidalgo siphonnant de l’essence au Mexique lors du Mondial-1986 à un aphorisme sur son regret du football d’avant, où il y avait «moins d’attaques mais plus d’occasions». «En schématisant à l’extrême, nous sommes passés d’un jeu d’échec à un jeu de dames, d’un film érotique à un film porno», écrit celui qui reste à la page avec son podcast «Roustan Foot». Le youtubeur Wiloo, qui compte plus d’un demi-million d’abonnés sur sa chaîne, est «admiratif de sa passion intacte. Didier Roustan est un modèle d’inspiration, il reste très actif sur les réseaux sociaux, diffuse des podcasts…». «C’est bien d’influencer les jeunes», remercie le Capitaine Fracasse du foot, qui ne se sent pas un dinosaure, même si, soupire Galli, il a «vécu un foot qu’on ne connaîtra jamais» où les joueurs étaient bien plus accessibles. «J’allais dans le vestiaire de la Juve de Platini, des fois on dormait chez les joueurs», se souvient-il, tout en se défendant d’être nostalgique.