E. KESSLER (Public Sénat) : « Nous avons été obligés de nous réinventer »

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Samedi 25 avril, Public Sénat célèbre son vingtième anniversaire. Il y a quelques mois, la chaîne de la TNT a arboré une nouvelle identité illustrant un positionnement de chaîne «curieuse et instructive, attractive et innovante». Le pari est-il gagné ? Quelle est la stratégie pour les années à venir ? Réponse avec Emmanuel KESSLER, Président Directeur Général de Public Sénat.

MEDIA +

En vingt ans, Public Sénat s’est-elle foncièrement réinventée ?

EMMANUEL KESSLER

Absolument ! La chaîne a profondément évolué pour s’adapter au nouveau paysage de l’audiovisuel, au numérique ainsi qu’aux nouvelles habitudes des téléspectateurs et des internautes. Ce changement a été effectué sur des fondations solides qui ont été posées par Jean-Pierre Elkabbach, le fondateur de la chaîne (PDG de 2000 à 2009, ndlr), sous l’impulsion du Parlement, et grâce au soutien permanent du Sénat. Depuis sa création, la chaîne a pour mission de faire entrer l’activité du Sénat au plus près du public. C’est un exercice de transparence essentiel pour la démocratie. Dans un 2ème élan, Gilles Leclerc (PDG de 2009 à 2015) a fait entrer Public Sénat dans la première étape du numérique. Aujourd’hui, on s’aperçoit que notre mission de base est plus que jamais d’actualité, à savoir informer les citoyens à la vie politique par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques. C’est une mission nécessaire à une époque où le lien social est menacé sociologiquement, économiquement, politiquement et aujourd’hui sanitairement. 

MEDIA +

Dans quel sens travaillez-vous l’identité de marque de Public Sénat?

EMMANUEL KESSLER

Notre rôle est d’être une chaîne singulière et qui questionne. Dans un monde foisonnant d’informations, dans lequel nous avons besoin de lien social, Public Sénat a une place unique pour faire réfléchir les téléspectateurs et les internautes sur les grandes questions auxquelles ils sont confrontés. D’où notre signature : «Des questions à toutes vos réponses». D’un côté, il y a les chaînes d’information, le fracas des tweets et des réseaux sociaux qui nous abreuvent de données. Et de l’autre, il y a Public Sénat, une chaîne du temps long, qui donne des clés pour comprendre et qui réinterroge les sujets avec distance et profondeur. C’est tout le sens de la soirée documentaire que nous programmons samedi 25 avril, avec 5 films primés qui interrogent notre société dans des domaines majeurs comme la liberté, notre rapport à l’environnement, la médecine ou encore les droits de l’homme. 

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Que répondez-vous aux observateurs qui reprochent à la chaîne un ton parfois un peu austère et un langage un peu trop spécialisé ? 

EMMANUEL KESSLER

C’était vrai il y a encore quelques années ! Le débat parlementaire et l’élaboration de la loi peuvent apparaître difficiles d’accès pour une partie de nos téléspectateurs. Mais nous avons considérablement fait évoluer les choses grâce à notre nouvelle identité de marque, un nouveau logo, de nouveaux habillages visuels et sonores et l’apparition de formats numériques. Ils se sont considérablement accentués depuis la crise du coronavirus. Aujourd’hui, de par l’interactivité avec le public, notre approche avec la presse quotidienne régionale et l’accent mis sur les territoires, on arrive à traiter cette matière de façon extrêmement vivante, attractive et grand public.

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Quelle est votre priorité pour les mois à venir ?

EMMANUEL KESSLER

Avec la crise que l’on traverse actuellement, et à partir du moment où le confinement s’est mis en place, nous avons été obligés de nous réinventer. Ma priorité a été de revoir les process pour assurer la sécurité de nos collaborateurs et la continuité de nos missions auprès du public. Nous avons inventé une autre manière de faire de la télévision, de produire des contenus numériques avec des formats courts et des émissions réalisées à distance. On s’est aperçu que nous avions une capacité de réactivité et de souplesse grâce à l’implication de nos équipes. La télévision de demain sera différente. Nous allons donc renforcer l’interactivité et la présence sur le terrain grâce à une agilité qu’on ne soupçonnait pas il y a un mois. 

MEDIA +

La synergie actuelle entre Public Sénat et LCP est-elle à son plein potentiel ?

EMMANUEL KESSLER

La synergie est bonne. Il y a beaucoup d’activités parlementaires en ce moment, en particulier les auditions et les projets de loi. Nous restons souples dans nos relations avec LCP pour répartir notre antenne de façon pertinente, quitte à modifier nos horaires habituels de bascules. Nous travaillons à une reprise de notre émission commune «Audition publique», en partenariat avec «Le Figaro». Et nous avons en production un documentaire en commun sur 20 ans d’actualité parlementaire.

MEDIA +

Comment évolue votre audience ?

EMMANUEL KESSLER

Les indicateurs sont encourageants. Les questions d’actualité au gouvernement, dont nous avons l’exclusivité de diffusion le mercredi, sont bien suivies. En 2020, nous avons battu un record d’audience : 400.000 téléspectateurs pour la 1ère diffusion du documentaire consacré à Albert Camus au mois de janvier. Entre les 3 semaines qui ont précédé le confinement et les 3 semaines qui l’ont suivi, nous avons multiplié par 3 nos audiences numériques. 70% du trafic provient de l’usage du mobile.

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Le budget de Public Sénat est gelé depuis 2015. Cela constitue-t-il une vraie contrainte ?

EMMANUEL KESSLER

Bien évidemment ! En revanche, je souhaite souligner le soutien de notre actionnaire, le Sénat, qui respecte à la fois notre indépendance éditoriale et nous donne une visibilité financière permanente. Quand le Sénat signe un contrat d’objectifs et de moyens, il le respecte scrupuleusement. C’est une assurance très forte pour nous. La dotation financière est certes gelée depuis 5 ans, mais elle nous donne un horizon (17,6 M€/an, ndlr).