En pleine crise financière, Atos espère restructurer sa dette «d’ici juillet»

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Dans le rouge en 2023, le groupe informatique français Atos, en pleine crise financière, vise désormais «un accord global» pour restructurer son importante dette «d’ici juillet» mais assure que son rôle de prestataire des Jeux olympiques de Paris sera tenu sans «aucun souci». Entré dans une procédure amiable de conciliation avec ses créanciers depuis février, cet ex-fleuron de la tech, qui a échoué ces dernières semaines à boucler la vente de plusieurs activités pour récupérer de l’argent frais, a indiqué mardi disposer de 2,4 milliards d’euros de trésorerie, un montant suffisant pour «couvrir (ses) besoins de liquidités» jusqu’à l’obtention potentielle de cet accord. Avant cela, il prévoit de présenter «les paramètres de son cadre de refinancement» au cours de la semaine du 8 avril, alors qu’il a 3,65 milliards d’euros d’emprunts et d’obligations à rembourser ou refinancer d’ici fin 2025. «En tout état de cause, ce refinancement nécessitera une restructuration de la dette, y compris un abandon de créance significatif par les créanciers, impliquant une dilution massive pour les actionnaires», soulignent dans une note les analystes d’Oddo BHF. La prise de parole d’Atos était très attendue, après qu’il a dû reporter à deux reprises la présentation de ses résultats annuels. Ceux-ci ont affiché une perte nette de 3,4 milliards d’euros en 2023, en grande partie due à une dépréciation d’actifs (pour 2,6 milliards d’euros), c’est-à-dire une opération destinée à ajuster la valeur de certains actifs dans les comptes de l’entreprise. De son côté, la Bourse de Paris a immédiatement sanctionné cette publication: le titre Atos cédait près de 7% vers 11h55 (10h55 GMT) à 1,60 euros, alors qu’il s’échangeait aux alentours de 15 euros fin juillet 2023. La valorisation de l’entreprise, qui opère aussi dans des activités stratégiques pour l’Etat français, s’établit ainsi désormais à quelque 176 millions d’euros. Malgré ces difficultés, il n’y aura «aucun souci sur les Jeux olympiques», a assuré mardi son DG Paul Saleh, alors que le groupe est l’un des piliers technologiques de l’événement organisé cet été en France (26 juillet-11 août). «On vient de terminer une phase de tests sur le plan opérationnel qui a été extraordinairement bien reçue par tout le monde», a insisté le dirigeant, lors d’une conférence téléphonique. Atos doit notamment assurer la gestion des plus de 300.000 accrédités et la diffusion instantanée des résultats, ou encore fournir ses services en matière de cybersécurité. Quid toutefois du plan de sauvetage lancé en 2022 par l’ancienne direction comprenant sa scission en deux entités, avec Tech Foundations, qui regroupe les activités historiques d’infogérance, et Eviden, qui comprend notamment les activités «big data» et sécurité (BDS), la pépite du groupe ? Après le retrait d’Airbus des discussions pour l’acquisition de BDS la semaine passée, quelques semaines seulement après celui des négociations avec le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky pour la vente de Tech Foundations, «Atos continuera de gérer Tech Foundations et Eviden comme deux activités séparées, tirant parti des forces de leurs offres respectives, avec une stratégie commerciale coordonnée», a affirmé mardi l’entreprise. De quoi mettre en lumière les désaccords avec David Layani, patron de Onepoint, premier actionnaire d’Atos, qui avait appelé à «mettre fin immédiatement à tout projet de cession», dans un entretien dimanche au «Figaro». «Ce n’est pas au moment où l’on doit se réinventer et repartir qu’il faut vendre ses bijoux de famille», avait plaidé le dirigeant du cabinet qui détient plus de 11% du capital. «Le plan de Onepoint n’a pas été présenté au CA de la société qui, si et quand il le sera, pourra l’analyser et communiquer en temps voulu sur sa position», a répété Atos mardi, confirmant sa position exprimée la veille.

Mardi dernier, la CFE-CGC, premier syndicat du groupe, avait défendu le projet de David Layani, «le seul à répondre» aux objectifs de «survie» et de «croissance» de l’entreprise. Alors qu’Atos possède des supercalculateurs, notamment utilisés dans la défense et le nucléaire, le ministère français de l’Economie s’est engagé mardi dernier «à construire dans les prochaines semaines une solution nationale de protection des activités stratégiques» du groupe. «Nous avons beaucoup d’inquiétudes sur l’avenir du groupe depuis plus de deux ans parce que nous avons des équipes dirigeantes qui se succèdent et qui sont incapables de gérer la situation», a déploré Fabrice Lorioux, délégué syndical Unsa au sein d’Atos. «C’est compliqué, mais on ne désespère pas. On a beaucoup d’activités qui rapportent de l’argent, qui sont stables. Mais le problème, c’est qu’avec ce qu’il y a dans la presse, on a du mal à recruter, on perd des profils», a-t-il, alors qu’Atos a vu ses effectifs passer en dessous des 100.000 salariés dans le monde en 2023.