Fiscalité mondiale minimum: ce qu’il reste à négocier

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Où placer les curseurs fiscaux ? L’Irlande va-t-elle signer l’accord ? En suspens depuis l’adoption d’un projet historique de taxation minimale sur les plus grosses entreprises mondiales en juillet, ces questions pourraient connaître leur dénouement vendredi au cours d’une réunion de l’OCDE. Le «cadre inclusif» de l’organisation, qui regroupe 139 pays, se réunit afin de tenter d’entériner les derniers paramètres de la réforme. Concernant le texte adopté en juillet et signé depuis par 134 pays, «90% a été décidé», souligne une source proche des négociation. Mais les derniers paramètres se négocient de manière «compliquée» et font parfois l’objet d’une «négociation de marchands de tapis». Voici les principaux points encore à déterminer. 

– Un impôt à 15%, pas plus ? Vitrine de l’accord de l’OCDE annoncé cet été, le taux minimum de taxation des multinationales réalisant au moins 750 millions d’euros de c.a. n’a pas été précisément fixé, l’accord donnant comme objectif «au moins» 15%. «Un compromis peut se dégager sur 15% comme taux effectif réel», a affirmé mardi le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, soit l’hypothèse basse envisagée en juillet. «Cela semble compliqué d’aller au-delà» pour entraîner l’adhésion de tous, confirme la source proche des négociations, alors que l’Irlande, non signataire de l’accord pour l’instant, affiche un taux de 12,5%, l’un des plus bas au monde.  

– L’Irlande, prête à joindre l’accord? C’est l’un des feuilletons sur le sujet de la taxation internationale, mais le dénouement semble proche, alors que le ministre des Finances irlandais, Paschal Donohoe, a récemment évoqué une semaine «décisive». «L’Irlande est en train d’évoluer sur le sujet», a affirmé mardi Bruno Le Maire s’agissant du taux minimal à 15%, d’autant plus si la mention d’«au moins» 15% est retirée du texte final, comme l’a affirmé mardi la télévision publique irlandaise. Par ailleurs, dans la mesure où de nombreuses filiales de grands groupes américains ont implanté à Dublin leur siège européen et que les Etats-Unis souhaitent dans leur propre législation relever leur impôt minimal sur les entreprises nationales installées à l’étranger, Dublin pourrait se rallier.  

– A combien taxer les «surprofits» ? Cette partie de la réforme ne concerne que les entreprises enregistrant plus de 20 milliards d’euros de c.a. et qui dégagent une rentabilité élevée, à l’exception des industries extractives ou des services financiers réglementés. Elle doit permettre de déterminer le montant qui servira de base pour calculer les recettes fiscales à reverser dans les pays où une entreprise réalise au moins 1 million d’euros de c.a., mais où elle n’a pas son siège social. Alors que les Etats-Unis, dont nombre d’entreprises sont concernées, aimeraient un taux de taxation le moins élevé possible sur cette partie, plusieurs pays émergents, parmi lesquels le Brésil, la Turquie et l’Inde, veulent pousser le curseur plus haut. «Un compromis peut se dessiner autour de 25%» de taxation sur une partie marginale de leur bénéfice, le texte initial évoquant une fourchette entre 20% et 30%, a affirmé mardi Bruno Le Maire. 

– Quelle générosité avec les déductions?  C’est notamment le sujet qui hérisse la Hongrie, non signataire de l’accord pour le moment, tout comme l’Estonie. Certains pays, misant sur l’attractivité fiscale comme modèle économique, réclament des exemptions sur le niveau de taxation des entreprises implantées sur leur sol.   

– 2023, un calendrier trop ambitieux? Entre la bataille des derniers paramètres, les futures transpositions en droit au travers de conventions internationales ou de directives, et les applications réelles aux quatre coins de la planète, le calendrier souhaité semble ambitieux.Pour une application totale, le texte doit être adopté dans la législation de l’ensemble des pays signataires.