France 3 : bras de fer autour de l’info 100% régions

162

Une grève court à France 3 depuis 15 jours autour du coeur de métier de la chaîne: l’information. Le point sur ce mouvement déclenché par la récente réforme des JT, désormais pilotés intégralement depuis les régions.

– JT percutés : Près de 9 journaux régionaux sur 10 n’ont pas été diffusés normalement sur France 3 depuis le 8 novembre, selon l’intersyndicale. En lieu et place: un «tout-image», sans présentateur en plateau, ou un journal mettant en commun des reportages de toutes les régions. «C’est du jamais vu à France 3 sur une telle durée», affirme Danilo Commodi, délégué CGT et journaliste au Havre. La direction avance un taux de grévistes inférieur à 5%, sur l’ensemble du personnel au planning (journalistes, techniciens, administration). Mais le préavis du syndicat FO porte sur l’ensemble de la journée, tandis que SNJ, CGT, Sud et CFDT ont déposé des préavis illimités d’une heure couvrant 4 créneaux différents, ce qui accroît l’impact du mouvement et lui permet de tenir sur la durée. Il s’agit de la 4ème grève à France 3 (3.100 salariés) depuis l’annonce l’année dernière par la présidente de la maison mère France Télévisions, Delphine Ernotte, de cette réforme baptisée «Tempo».

– La réforme contestée : Elle est entrée en vigueur le 4 septembre: exit les JT nationaux du 12/13 et du 19/20, place à «ICI 12/13» et «ICI 19/20», les nouveaux rendez-vous d’information réalisés par les 24 antennes régionales du réseau. Ils mêlent des sujets sur l’actualité locale, nationale et internationale et sont allongés. Ces éditions sont «totalement incarnées et pensées» depuis ces antennes, ce qui «répond à une attente forte du public», défend Delphine Ernotte. Les téléspectateurs «attendent une info locale vue de chez eux, des campagnes et des périphéries, moins parisiano-centrée», selon la patronne du groupe public. Les 1ers chiffres d’audiences ont été perçus comme un encouragement: 1,4 million de téléspectateurs en moyenne en septembre, soit un bond de 40% en un an pour ICI 12/13 à 12h25, et 2,4 millions de téléspectateurs pour ICI 19/20 (de 19h15 à 19h55), en hausse de 17%. La tendance se confirme en octobre, d’après la chaîne. Mais les téléspectateurs sont perdus, horaires et tranches d’info étant brouillés, disent constater les journalistes sur le terrain. «Presque 40 ans que le 19/20 existait (il avait été fondé par Henri Sannier en 1986, ndlr). Les personnes âgées ont des habitudes», souligne l’une. Régionaliser? Sur le papier, les grévistes n’y sont pas opposés. «Nous sommes pour cette philosophie, mais avec des moyens. Là c’est du bricolage et du remplissage», lâche Laurence Collet, déléguée CFDT en poste à France 3 Côte d’Azur. Avec des amplitudes horaires et une charge accrues, «pleurs, altercations, arrêts maladie» se sont multipliés, selon les syndicats.

– Un «moratoire»? : Des renforts sont réclamés, au-delà des 60 emplois équivalent temps plein déployés provisoirement. Un «plan d’urgence» est spécialement demandé pour les scriptes, ces chefs d’orchestre des journaux, qui visionnent, chronomètrent et organisent l’antenne. La semaine de 4 jours doit aussi être mise en discussion, souhaitent les syndicats. Au plan éditorial, ils plaident pour «un moratoire» sur la réforme concernant «les tranches d’information nationale et internationale le temps de remettre à plat le projet». La direction a proposé vendredi un JT du soir ramené à 35’, et comprenant une séquence de 7’, clé en main, fabriquée par le national. Et ce, durant trois mois.

– Prochaines étapes : «Nous sommes manipulés. Car France Télévisions a l’idée derrière de supprimer l’info nationale et internationale sur France 3», pense un reporter à Paris, à l’unisson d’autres salariés. Cette crainte est renforcée par l’annonce du rassemblement prochain de France 3 et des radios régionales France Bleu sous la marque unique «ICI». «Notre future marque (…) doit devenir l’étendard de l’offre de proximité du service public», a affirmé en octobre Mme Ernotte.