Istanbul : une chaîne turque sous le feu des critiques après l’interruption d’une interview télévisée du maire déchu

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Une chaîne turque était sous le feu des critiques mardi pour avoir écourté la veille une interview du candidat de l’opposition à la mairie d’Istanbul lorsqu’il a évoqué ses dépenses «extravagantes» sous le maire sortant, issu du parti au pouvoir.

Un présentateur-vedette de la chaîne privée CNN-Türk, Ahmet Hakan, a mis fin lundi soir une demi-heure plus tôt que prévu à son entretien avec Ekrem Imamoglu, dont l’élection le 31 mars à la mairie d’Istanbul a été annulée par les autorités. Un nouveau scrutin est prévu le 23 juin. Les critiques sur les réseaux sociaux visant la chaîne et le présentateur fusent depuis lundi soir. Un utilisateur de Twitter @muratagirel a par exemple proposé que l’émission, appelée «zone impartiale» («tarafsiz bölge» en turc), soit renommée «zone partiale».

L’interruption du programme a en effet eu lieu au moment où M. Imamoglu évoquait les dépenses «extravagantes» de son prédécesseur, qu’il dit avoir mises au jour lors des 18 jours pendant lesquels il a siégé à la mairie avant l’invalidation de son mandat. Ekrem Imamoglu avait battu le candidat du parti au pouvoir AKP et ex-Premier ministre Binali Yildirim avec moins de 13.000 voix d’avance. Une marge minime à l’échelle d’une ville de plus de 15 millions d’habitants, contrôlée par les islamo-conservateurs depuis 25 ans. Après un déluge de recours de l’AKP, qui dénonçait des «irrégularités massives», le Haut-comité électoral avait annulé les résultats et convoqué un nouveau scrutin pour le 23 juin. M. Imamoglu a brandi pendant l’interview une pancarte montrant ce qu’il a présenté comme du «gâchis», par exemple le nombre très élevé de voitures de fonction. Il promettait de transformer ces dépenses en «économies» pour servir la mégapole.

Le présentateur l’a rapidement interrompu, prétextant d’abord d’une page de publicité, avant de mettre finalement fin à l’émission lorsque le candidat a insisté pour parler des finances de la mairie. M. Imamoglu protestait pourtant qu’il avait été prévenu que l’émission durerait une demi-heure de plus. La municipalité d’Istanbul a réagi tard lundi, démentant les allégations de M. Imamoglu et dénonçant une «distorsion intentionnelle» visant à manipuler l’opinion publique.

CNN-Türk avait déjà fait l’objet de critiques sévères lorsqu’elle avait préféré diffuser un documentaire sur les pingouins plutôt que de retransmettre en direct des heurts qui avaient émaillé les manifestations contre le pouvoir en 2013. La chaîne est une joint-venture entre la maison-mère de CNN International, Turner Broadcasting System International, et le groupe privé turc Demirören, proche du pouvoir.