L’humoriste Guillaume Meurice clame sa liberté d’expression

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Menacé de mort, entendu par la police après des plaintes, averti par son employeur: l’humoriste Guillaume Meurice a ressenti les conséquences d’une plaisanterie, qui en a choqué beaucoup, sur le Premier ministre israélien. Mais il clame sa liberté d’expression. «Dans l’oreille du cyclone», son récit de cette polémique à paraître vendredi aux éditions du Seuil, n’est pas un livre provocateur, bravache. Le ton est au contraire désabusé, face aux tombereaux de commentaires et aux paradoxes qu’a suscités l’affaire. Le chroniqueur de France Inter, le 29 octobre, avait suggéré pour Halloween un «déguisement» de Benjamin Netanyahu, «sorte de nazi mais sans prépuce». La suite a été une avalanche. Sur son téléphone, les messages d’insultes et de menaces se sont accumulés. Guillaume Meurice a déposé plainte concernant la quinzaine d’entre eux qui le visent le plus explicitement. Il ignore si elles aboutiront. Son employeur lui a adressé un «avertissement» début novembre. Souhaitant le voir retiré, l’humoriste a lancé une procédure devant les prud’hommes, qui n’en est qu’aux préliminaires. Avocats sans frontières, association fondée par l’avocat Gilles-William Goldnadel, et l’Organisation juive européenne, qui lutte contre l’antisémitisme, ont déposé des plaintes. Elles ont débouché sur une enquête pour provocation à la haine et injure publique aggravée. Il a été entendu, libre, par la police judiciaire le 21 novembre. Depuis, il n’a pas de nouvelles. «Non, je n’ai pas peur d’être condamné», dit-il. «Et mon avocat est plutôt confiant parce qu’il ne comprend même pas le fait que j’aie été convoqué à la police judiciaire». Les deux policiers n’ont pas écouté le sketch en question, faute de l’avoir retrouvé sur internet, France Inter l’a effacé de YouTube, de X, de son site, raconte-t-il. Puis «je vois bien que les questions n’ont pas été écrites par la personne qui me les pose. Elle a l’air parfois un peu désolée de me les poser», raconte Guillaume Meurice, 42 ans. «Qui les a écrites? Est-ce que c’est le procureur? Je ne sais pas, mais à mon avis oui. Et elles me paraissent très étranges». Exemple: «Vous êtes juif?» À quoi il rétorque: «La police française est vraiment en train de demander à un citoyen français s’il est juif?» On ne le lui demandera pas une seconde fois. En public, l’humoriste avait obstinément refusé de s’excuser, alors que la direction de France Inter l’y exhortait. Il assume la plaisanterie aujourd’hui encore, ainsi que celle, dite à l’antenne deux semaines plus tard, qui assimilait les combattants du Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, à d’autres «nazis sans prépuce». «L’humour, c’est un marqueur de la liberté (…) Je n’avais pas commis de faute, pour moi», insiste le chroniqueur de l’émission Le Grand Dimanche soir. «Ma limite à moi, c’est la loi. Et elle me paraît bien faite. Ce que me demandait Radio France, c’était de faire reculer le droit. Ce qui est assez grave, je trouve! Pourquoi je devrais faire reculer le droit, moi, Guillaume Meurice, pitre professionnel?», s’interroge-t-il. «J’ai laissé la tempête souffler toute seule. J’ai laissé les gens devenir fous. Sans intervenir», souligne-t-il. S’il compte en profiter, c’est en reversant ses droits d’auteur pour ce livre à Médecins du monde. Et si France Inter, pour une raison ou une autre, devait ne pas le reconduire la saison prochaine, il l’accepterait. «La case 17h30 le dimanche ne m’appartient pas» et «je n’ai pas vocation à devenir porte-parole ou combattant», dit-il. «Limite, je me sens plus la responsabilité inverse de parfois fermer ma gueule, et permettre à d’autres de porter une parole plus jeune».